Le printemps arabe n’a pas fait naître le monde nouveau espéré par les populations locales. Les réclamations de démocratie et de liberté qui ont tant enivré le monde ont fait place au désordre, à la violence et à la prise du pouvoir par des islamistes (notamment en Tunisie) pourtant peu visibles lors des processus révolutionnaires.
Bref, ce « printemps des peuples » n’a pas encore livré ses promesses, et soulève plusieurs doutes et interrogations. Dans un livre court, mais éclairant, les professeurs Stéphane Bürgi, comme interrogateur, et Sami Aoun, comme répondant dans une forme questions-réponses, livrent des explications sur ce qui a cours dans un monde arabe en pleine transformation.
L’ouvrage passe en revue chacun des pays qui ont été au cœur de cette transition si inattendue : Tunisie, Égypte, Libye, Syrie. Le lecteur constatera à quel point chacun de ces pays, quoique poussé par une même mouvance de ras-le-bol contre les dirigeants, connaît un parcours différent : instabilité, mais avancées démocratiques notables en Tunisie ; ouverture démocratique suivie d’une « reprise » en mains par l’armée en Égypte ; élections démocratiques, mais ensuite chaos et chute de l’État en Libye ; guerre civile en Syrie.
Commun à tous ces bouleversements, un questionnement central : la place de l’islam, et les auteurs ont le bon jugement d’en faire un chapitre final, qui discute du rôle de cette religion par rapport à des enjeux cruciaux qui suscitent bien des questions : les minorités, les femmes, la démocratie. Malgré des développements inquiétants, dont l’émigration accélérée des minorités non musulmanes de ces pays, Sami Aoun reste optimiste quant à la suite et considère ce bouillonnement comme normal, étant donné l’ampleur des changements accomplis. Selon lui, le retour aux dictatures est improbable, les populations arabes étant jeunes, plus éduquées, et aspirant à un traitement plus digne de la part de leurs nouveaux dirigeants.
Une analyse juste, posée, un excellent survol des développements récents depuis le printemps arabe. On aimerait lire une même analyse sous la même forme dans deux ans.