Même si nos sociétés se proclament ouvertes au sujet de la question du sexe, rien ne demeure encore plus difficile que d’en parler en tant qu’expérience humaine. Emmailloté dans le discours technique, défiguré dans des images publicitaires réifiant le corps ou dévoyé dans une parole vulgaire colmatant l’angoisse qu’il génère, le sexe continue à faire peur, surtout l’arrivée du sida – que les événements des cinq dernières années ont relégué au second plan alors qu’il s’agit d’un problème mondial de toute première importance. Le tour de force du dialogue de Louise-Andrée Saulnier et de Robert Blondin est d’aborder une foule d’aspects de la sexualité et de la vie amoureuse en toute sérénité et avec franchise. Il s’agit en fait d’un ouvrage d’éducation populaire sous-tendu par l’idée selon laquelle « l’éducation sexuelle est indissociable de l’éducation civique ». Il semble que nos dirigeants aveugles ne l’aient pas encore saisi, loin s’en faut, d’où la quasi-absence de sexologies dans nos écoles.
De nombreux thèmes sont abordés en toute liberté : importance du plaisir dans le bonheur et l’existence, peur de la solitude et nouvelle longévité, éducation sexuelle des enfants, fidélité à soi et à l’autre dans le couple, non-synchronicité des désirs masculin et féminin, motifs d’incitation à faire l’amour, place du corps dans la sexualité, rôle des fantasmes (malheureusement définis de manière navrante comme « images mentales »), transformations de l’intimité par la montée de l’industrie porno (photo, vidéo, cinéma, Internet) relevant chaque jour plus haut les « standards » de performance sexuelle, Viagra, pédophilie, zoophilie, ménopause et andropause, etc.
On voit toute la richesse de ces discussions qui, bien que n’apportant pratiquement rien de neuf, fournissent une excellente synthèse des questions essentielles que nous n’abordons le plus souvent que de manière fragmentaire sans les lier dans l’horizon d’un projet sociétal. C’est dans le cadre d’une réflexion généreuse qu’on peut alors entendre la troublante réflexion de Louise-Andrée Saulnier au sujet du fait que le danger d’Internet est moins dans le temps qui y est consacré que dans ce qui y est montré. Cela donne vraiment à penser.