Maintenant que l’humain, grâce à la technoscience, a réussi à modifier son environnement et à le soumettre presque entièrement à son contrôle, il ne lui reste plus qu’à appliquer cette même technoscience à un phénomène biologique naturel qui n’a physiquement pas évolué depuis des centaines d’années : lui-même. L’humain ayant, semble-t-il, plafonné dans son développement naturel, certains prétendent qu’il doit désormais déterminer lui-même la direction de son évolution. C’est la prémisse de base de la posthumanité, mouvement né de la rencontre de la science, de la technoscience et de la science-fiction. Antoine Robitaille, journaliste, livre dans Le nouvel homme nouveau les résultats de son enquête à propos de ce mouvement.
La recherche et développement en technosciences est arrivée à des résultats parfois au-dessus de l’entendement humain, permettant de pallier certains dysfonctionnements du corps humain. Il suffit de penser au stimulateur cardiaque, ou pacemaker, pour s’en convaincre. Toutefois, à propos de la question des limites à ne pas franchir, les adeptes du mouvement posthumaniste ont une réponse bien arrêtée : pas avant d’être immortel. Car c’est de cela qu’il s’agit avec cette approche : réussir à ralentir le processus naturel du vieillissement en modifiant la génétique de l’humain de façon à ce que l’expression « mort naturelle » n’appartienne plus qu’à l’histoire ancienne. Pour mieux comprendre les tenants et aboutissants de ce mouvement, Robitaille présente des entrevues avec certains penseurs influents de ce milieu ainsi qu’un compte-rendu d’un colloque organisé à Toronto par la World Transhumanist Association.
Tout au long de cet ouvrage, on constate avec fascination à quel point la technologie est autojustificative, comme si elle pouvait être l’unique solution à tous les problèmes. Pour contrebalancer le discours des posthumanistes et leur désir de toute-puissance, Robitaille présente, à la fin de son livre, une entrevue réalisée avec le biochimiste Leon Kass. L’universitaire introduit en quelques mots l’urgence d’une réflexion en bioéthique afin de penser globalement les rapports entre progrès humain et progrès technique. Mais surtout, il souligne l’idée fondamentale que c’est la finitude de l’humain qui lui permet de réaliser de grandes choses. Une enquête à la fois fascinante et dérangeante.