Le mouvement naturel des choses se présente sous la forme d’une accumulation de fragments où se déploie le déchaînement tumultueux des émois amoureux d’un gay aux prises avec un indécrottable vague à l’âme. Le journal d’Éric Simard paru dans la collection « Hamac » participe à la diffusion d’une voix marginale dans laquelle se reconnaîtront bon nombre de jeunes hommes en quête de modèles. Dans ce texte éminemment personnel et délicat se déroulant entre les années 1989 et 1997, Simard s’expose avec fragilité, livrant sans retenue les incertitudes de sa jeune vingtaine avec toujours au-dessus de lui une constellation d’espoirs le plus souvent déçus.
Difficile de rattacher ce journal à la veine des romans d’apprentissage, dans la mesure où nous est offert un texte sans réel souci de mise en forme littéraire. Par sa structure fragmentaire et cyclique (on retrouve sans cesse les mêmes anecdotes, où seuls les noms des individus changent), Éric Simard effleure constamment les mêmes sujets sans les approfondir, les idées s’échouant rapidement sur une grève stérile. Dans cet état, il est rare que l’auteur atteigne un degré de profondeur convaincant. En témoignent les surabondantes capsules critiques d’œuvres que ce boulimique de culture a fréquentées à cette période, commentaires convenus vite expédiés en quelques traits. Cette plongée à corps perdu dans la sphère culturelle prend en quelque sorte pour Éric Simard des allures de fuite volontaire dans l’imaginaire des autres, ce qui lui permet en apparence de mieux supporter l’incomplétude de son existence. Il y a bien quelque chose d’émouvant dans sa propension à se vautrer dans les productions culturelles comme s’il s’enduisait d’un baume protecteur. Si la découverte du monde qui l’entoure passe pour le jeune homme par celle des grands artistes de la fin du XXe siècle, il est cependant regrettable que la forme que prennent ses réflexions tienne dans la case limitée du calendrier culturel.
La publication d’un journal, sans mise en forme littéraire digne d’intérêt, demeure un exercice vain, voire vaniteux. Il faut reconnaître que malgré toutes ces anecdotes triviales à intérêt variable, les fragments de ce journal sont toujours révélateurs d’un malheureux sentiment d’insatisfaction chronique, maintenant Éric Simard quelque part sur le spectre de l’arc-en-ciel des émotions, oscillant entre les pôles du spleen grisâtre et de l’idéal rose