Louise Portal nous montre comment écrire son journal intime… en partageant le sien.Plus de la moitié des pages de ce livre sont vierges. Au-delà de cette déception initiale, on comprend que Louise Portal a voulu, peut-être pour paraphraser Raymond Roussel, expliquer comment elle a écrit certains de ses livres pour ensuite laisser une place à son éventuel lecteur. Celui-ci trouvera dans cet ouvrage diverses suggestions pour se raconter et surmonter la fameuse « angoisse de la page blanche ». « Y coller une image, sur la page blanche, peut inspirer notre première phrase. Un paysage, une photo d’hier ou d’aujourd’hui, une carte postale, une image découpée dans un magazine […]. » On peut amorcer la rédaction de ses carnets intimes à tout âge de la vie : différents points de départ sont successivement proposés pour l’adolescence, la vingtaine, la trentaine, et ainsi de suite, sans interdire le retour en arrière, le souvenir ponctuel, la confidence, les rêves et les projets.On sent que le cocon familial de Louise Portal a été béni et harmonieux, qu’elle a peut-être grandi à l’abri d’un monde dur et inexplicable. Dans une page en fac-similé de son premier carnet intime daté de 1964, alors qu’elle est pensionnaire au couvent des Ursulines, dans le Vieux-Québec, la jeune Louise Lapointe met son cœur à nu – pour reprendre l’expression baudelairienne. Généreusement, les impressions enfantines sont retranscrites : pensées affectueuses envers les parents, projections dans un futur hypothétique. Inévitablement, les quatre carrières fructueuses de cette artiste immense sont (trop) brièvement effleurées, sans complaisance et sans que tout soit relaté : l’actrice qui crève le grand écran dès ses débuts (Cordélia, Le déclin de l’empire américain, et tant d’autres), puis au théâtre, mais aussi la comédienne à la télévision, la chanteuse et la romancière autobiographe. Chacun de ces quatre registres aurait suffi à la rendre immortelle.Visuellement, ce livre est une réussite, car les images réunies sont soignées ; on y trouve des dessins et des collages, des photographies de jeunesse particulièrement touchantes. On peut revoir l’actrice resplendissante en compagnie de son père écrivain (Marcel Portal) lors de la première du film Cordélia, ou encore tant de photos d’enfance. Certains des textes, épars et partiels, proviennent de différentes publications antérieures, telles que des paroles de chansons écrites par Louise Portal, des lettres à ses parents, des pages de carnets intimes reproduits en fac-similé.Louise Portal s’est racontée dans d’autres livres comme Jeanne Janvier (Libre Expression, 1981), réécrit sous le titre de Souvenirs d’amour. Le journal de mes vingt ans (Hurtubise, 2009). Elle en cite un passage éloquent qui la résume : « Je suis une romantique, une amoureuse éternelle, morte d’avance et en retard d’un siècle ».
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