Le cinéma québécois peut être éminemment politique, engagé, rebelle, révolté, voire subversif. L’universitaire français Sylvain Garel le prouve, films à l’appui.
Rétrospectivement, on a parfois l’impression que le FLQ (Front de libération du Québec) n’aurait réellement existé qu’au tournant des années 1970, au moment de la crise d’Octobre. En réalité, ce mouvement – essentiellement montréalais – a été actif durant une décennie, et de nombreux films québécois y ont fait écho, durant plus d’un demi-siècle. Le point culminant aura été Les ordres (1974), de Michel Brault, mais il faut citer aussi des fresques historiques comme Les années de rêve (1984), ce beau long métrage trop vite oublié de Jean-Claude Labrecque. Inévitablement, les œuvres de Pierre Falardeau – comme Octobre (1994), mais aussi Le temps des bouffons (1993) – sont également commentées ; une simple allusion aux actions felquistes suffit pour inclure une production dans cette compilation. Sylvain Garel avait fait paraître en 1992 (en codirection avec André Pâquet) le collectif du Centre Georges-Pompidou intitulé Les cinémas du Canada, dans la célèbre collection « Cinéma/pluriel » du CGP consacrée aux cinémas nationaux.
Le FLQ dans la cinématographie québécoise se subdivise en huit parties : après une présentation générale et substantielle du militantisme dans les films québécois, la section centrale analyse individuellement les œuvres traitant des actions du FLQ ou y faisant allusion. Il en résulte une somme impressionnante de productions – plus de 200 titres répertoriés –, souvent indépendantes, quelquefois inachevées, mais toutes archivées à la Cinémathèque québécoise, pour lesquelles on trouve ici un résumé, une analyse, des extraits de critiques afin de montrer la réception de ces œuvres. On pourrait se demander pourquoi s’intéresser à ce corpus largement méconnu, consistant le plus souvent en d’obscurs documentaires diffusés uniquement lors de leur sortie. Tout simplement parce que, pris ensemble, ces films forment un tout cohérent et informatif sur des faits, des points de vue, des témoignages qui échappent à l’histoire officielle, représentée par des productions de l’ONF et, surtout, de Robin Spry. En outre, plusieurs de ces longs métrages ont eu droit à un large auditoire, et encore très récemment, par exemple le documentaire Les Rose (sans s à la fin, puisqu’on désigne les membres d’une famille), sorti en 2020. Il y a vingt ans, Sylvain Garel voulait consacrer sa thèse de doctorat au cinéma québécois ; il aurait été dommage de perdre la documentation et la classification que l’on retrouve dans la présente somme. Toute l’information réunie ici profitera à un plus grand nombre de cinéphiles et d’historiens. De petites erreurs factuelles subsistent : dans la notice bibliographique portant sur le livre Les 100 films québécois qu’il faut voir d’Yves Lever, on lit que les éditions Nuit blanche seraient à Montréal alors qu’en fait, celles-ci étaient situées à Québec, tout comme la revue du même nom.
Le bilan proposé dans Le FLQ dans la cinématographie québécoise est factuel et neutre, l’auteur ne prenant parti ni pour ni contre le FLQ. Ce sont les critiques de films, dont certains extraits révélateurs ont été retranscrits, qui rappellent que les actions explosives de ce « mouvement de libération » ont entraîné des morts et ont contribué à discréditer dans une large frange de la population la cause de l’indépendance du Québec.