Les derniers romans policiers de Henning Mankell publiés chez son éditeur parisien nous arrivent en français avec quelques années de retard. Pour ceux et celles qui n’ont pas encore découvert le romancier suédois, c’est une chance puisqu’ils pourront lire la série dans l’ordre. Pour les autres, dont je suis, c’est l’occasion de faire une incursion dans le passé de Kurt Wallander, le célèbre enquêteur, dans La lionne blanche.
La lionne blanche situe l’action tantôt en Afrique du Sud, tantôt en Suède où des ressortissants russes, à la solde du pouvoir blanc africain, participent à la formation d’un tueur professionnel noir qui sera chargé, à son retour, d’assassiner nul autre que Nelson Mandela ! Pour préserver l’apartheid, des Boers extrémistes sont prêts à tout. Le meurtre gratuit d’une Suédoise mettra, malgré lui, Wallander sur la piste de ces dangereux criminels qui n’hésiteront pas à kidnapper Linda, sa fille. Voilà un autre épisode du passé de Kurt Wallander que l’on découvre avec plaisir.
Le fils du vent, qui n’est pas un roman policier mais qui s’inscrit dans la foulée de Comédia infantil publié l’an dernier, toujours au Seuil, nous plonge dans la Suède du dix-neuvième siècle. Comme dans Comédia infantil, le jeune héros est le rescapé d’un massacre qui lui a arraché les siens un à un. Originaire du désert du Kalahari, Molo, neuf ans, que son père adoptif prénommera Daniel, entreprend un long périple chez les Blancs. En effet, après un pénible voyage dans le désert, Hans Bengler, entomologiste amateur, décide de ramener avec lui deux trophées de chasse : un scarabée encore inconnu auquel il souhaite donner son nom, et ce jeune orphelin qu’il exhibera dans un but soi-disant « éducatif » puisque ses compatriotes n’ont jamais vu de Noirs. Or Daniel, cette plante exotique, ne prendra jamais racine dans le terreau de la Suède, lui qui ne rêve que de retrouver les sables chauds de son désert natal et les fantômes de ses parents. « Comment parvenir à comprendre quelqu’un qu’on ne comprend pas ? » Dans Le fils du vent, cette lapalissade prend tout son sens : les bons vieux critères auxquels Edvin et Alma se réfèrent pour tenter d’expliquer les comportements du jeune garçon n’expliquent rien Ce couple à qui est confié Daniel en l’absence prolongée de Bengler est vite dépassé par les événements qui vont crescendo, jusqu’au drame ultime.
Henning Mankell, écrivain engagé ? Mankell a manifestement une conscience qu’éclaire une lucidité sans indulgence. Qu’il s’agisse de ses romans policiers ou de ses récits d’Afrique, il fait preuve du même fin talent d’humaniste, celui de l’homme préoccupé, tout comme son enquêteur, de la criminalité montante en Suède, du triste sort réservé aux minorités dans le monde et du racisme.