André Glucksmann s’en prend aux différents habits que la haine revêt à travers l’histoire. À la manière de Paul Berman (Les habits neufs de la terreur,Hachette,2004), il dénonce l’irrationalité du terrorisme qui ne cherche qu’à vaincre et non à convaincre. À l’ère du terrorisme mondialisé, il n’y a plus de champ de bataille défini. Si on est prêt à tuer des enfants comme à Beslan, on n’hésitera pas à faire sauter des bombes atomiques ailleurs. L’auteur de Dostoïevski à Manhattan dénoncera l’antisémitisme et, du même coup, la ferveur envers la cause palestinienne qui échapperait trop facilement à la condamnation universelle. André Glucksmann se dit en faveur d’un État pour les Palestiniens, mais n’excuse aucunement leurs attentats. Pourquoi les excuserait-on ? À cause du Juif, clame-t-il. Dans la même veine, il s’en prend à l’antiaméricanisme : « Les États-Unis peuvent-ils encore se réclamer du droit d’ingérence baptisé dans le sang versé pour libérer l’Europe ? Oui. Malgré les ignominies récentes commises dans les prisons irakiennes ? Oui. Car dans le pire comme pour le meilleur, les États-Unis demeurent une démocratie [ ]. La seule à ma connaissance qui n’ait pas censuré, en pleine guerre, la publication des crimes commis par ses soldats ». En ce sens, l’attitude attentiste de la France et de l’Allemagne est vertement critiquée, ce qui nous rappelle les thèses de Jean-François Revel dans L’obsession anti-américaine.
Les analyses d’André Glucksmann puisent abondamment dans la littérature classique : Homère, Sophocle, Sénèque (« la colère est un vice volontaire de l’âme »), Montaigne, Genet L’auteur invite tous les historiens, experts en géopolitique et chercheurs en études stratégiques à avoir recours aux classiques pour mieux comprendre la psychologie actuelle des forces belligérantes. On ne saurait lui donner tort, quoique dans son livre, les deux types d’analyse ne coulent pas toujours de source.
Les thèmes choisis par l’auteur ont de quoi soulever l’intérêt : la haine de l’Autre, la haine du Juif, la haine des Américains, la haine des femmes, la haine tout court. Même si ses analyses ne m’ont pas toujours semblé pécher par excès de clarté et de structure, elles demeurent néanmoins nécessaires en ces temps incertains voués de plus en plus aux forces brutes.