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LE DIPLÔME

Vaudrait-il mieux aimer une femme pour son corps, pour son argent, pour son caractère, pour ce qu’elle est réellement ou pour toutes ces raisons ? Telle est la question posée tacitement au début de ce premier roman…

Roman intimiste et parfois caustique sur les aléas du couple et sur la compromission, Le diplôme nous transporte dans différents quartiers parisiens, des plus chics aux plus populaires, mais également à Bobigny, Neuilly et Issy-les-Moulineaux, en 2019. Son titre académique pourrait faire penser à un roman universitaire, mais il n’en est rien. Vouloir obtenir un diplôme en se fiant uniquement aux questions probables de l’examen final risque de faire oublier l’essentiel : l’apprentissage de la matière dans son ensemble et de tout ce qui n’est pas couvert par les évaluations !

Au départ, le narrateur – Guillaume, instituteur d’histoire-géographie dans la trentaine – décide de larguer sa compagne des douze années précédentes afin de s’aménager un nouveau mode de vie conjugale s’apparentant au modèle de la bigamie et axé sur la division des tâches pour sa contrepartie féminine : il opte dangereusement pour la double formule d’une compagne réservée exclusivement pour son corps et l’autre pour lui, au quotidien. Mais pendant combien de temps cet arrangement peut-il durer ? Et lui-même risque-t-il d’être dépassé par les événements ? En toile de fond, le narrateur décrit l’élévation sociale de sa compagne principale, qui sait tirer son épingle du jeu et réussit professionnellement, à condition de respecter les règles et d’emprunter les chemins conformistes du succès en mimant le modèle de la femme d’affaires qui performe et plaît à ses supérieurs. Un peu comme la Maria Braun imaginée (dans un tout autre contexte) dans le beau film de Fassbinder. Plusieurs des phrases sont agrémentées d’allusions, de menus petits incidents caractéristiques de la vie quotidienne, avec de nombreuses digressions – judicieusement choisies – et des réflexions en aparté qui ajoutent de l’épaisseur à la trame. Par ailleurs, l’auteur nous gratifie au passage de quelques scènes coquines très pimentées. Le style d’Amaury Barthet est tour à tour imagé, évocateur, réflexif, parfois cocasse et porté sur la critique sociale : « D’entrée de jeu, elle jaugea Nadia du regard tel un scanner sociologique, examinant un à un chaque détail de son apparence pour lui attribuer une étiquette ». Cependant, son incipit n’est nullement mémorable : « Au fond, j’avais hâte d’être à la retraite ». Mais son écriture vivante, son regard acéré et son diagnostic juste sur notre monde en perte de repères et de modèles font réfléchir sur la méritocratie, sur nos valeurs en mutation et sur la futilité de nos jugements. L’auteur illustre comment l’illusion de la méritocratie pourrait faire croire à plusieurs que les gestionnaires qui réussissent ont véritablement du talent, alors qu’en réalité, ils jouent le jeu machinalement, sans conviction, ou sont pistonnés, ou bien usent de manœuvres en coulisses pour contourner les étapes. En ce sens, Le diplôme paraîtra éminemment moderne. Et par moments, drôlement éloquent.

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