Voici le deuxième opus d’une série de polars bien ancrée en sol québécois, décor hivernal et préoccupations sociales à la clé.
Coup sur coup, Catherine Lafrance a fait paraître deux romans mettant en scène le journaliste d’enquête Michel Duquesne. Dans L’étonnante mémoire des glaces (Druide, 2022), le journaliste passait à un cheveu de finir ses jours au fond d’un lac gelé. Dans Le dernier souffle est le plus lourd,si l’hiver n’est pas partie prenante de l’intrigue, il constitue néanmoins un ingrédient essentiel de la trame narrative.
Après les émotions fortes de sa précédente enquête, Michel Duquesne est un peu en panne d’inspiration. Jusqu’au jour où un suicide dans le métro pique sa curiosité et le lance sur une nouvelle piste. N’est-il pas étrange qu’un médecin, hautement consciencieux selon ses proches, soit accusé de négligence criminelle après que deux de ses patients soient décédés ? Le suicide de cet homme réputé discret recèlerait-il un message ? Quand de surcroît un courriel anonyme à saveur complotiste vise à orienter les conclusions du journaliste, il n’en faut pas plus pour le convaincre de se mettre en chasse. Une collègue informaticienne au talent de hackeuse et un policier ami apporteront une aide précieuse à l’enquête de Duquesne, qui mettra au jour les malversations d’individus en position de pouvoir et obnubilés par leurs intérêts personnels.
L’autrice ajoute de la saveur et de la crédibilité à son histoire en décrivant les conditions météo changeantes et les comportements ordinaires des Québécois en hiver. Elle ne s’étend jamais longuement sur le caractère de la saison, mais saupoudre judicieusement sa narration de détails relevant d’observations fines. Elle note des gestes comme remonter la fermeture éclair de son manteau, relever sur sa tête son capuchon en sortant dans l’air froid extérieur ou, encore, frapper lourdement le plancher pour faire tomber la neige de ses bottes en pénétrant à l’intérieur. L’écriture de Catherine Lafrance est fluide et l’intrigue de cette deuxième enquête de Duquesne est bien ficelée. Une intrigue secondaire, reliée à l’histoire familiale de l’enquêteur, enrichit le récit et donne davantage de consistance au personnage principal. Sans contrevenir aux règles tacites du polar, qui exigent de désigner un individu entièrement coupable de ses crimes, Catherine Lafrance suggère tout de même que certains contextes peuvent favoriser la turpitude. La romancière assume pleinement la responsabilité sociale inhérente à sa démarche d’écrivaine. En témoigne sa note, en fin de volume, précisant qu’elle ne présente pas le suicide comme une solution dans son roman. En somme, ce deuxième polar de Catherine Lafrance confirme la mise sur les rails d’une série à suivre.