Le point commun de ces deux romans réside dans la relation créatrice qui existe entre le narrateur et son « personnage ». Dans Le manuscrit, le narrateur suit celui-ci dans ses aventures existentielles – en faisant quasiment partie de la fiction -, en s’y identifiant par moments. Ce « personnage » vit essentiellement dans le présent, sans réellement se préoccuper du passé ni de l’avenir. Il se promène, erre – à la manière des personnages de Paul Auster -, dans le dédale de la vie où le mal de vivre semble dominer malgré les plaisirs réels évoqués.
L’ambiance qui domine est celle d’une absurdité incarnée par la sexualité, la sensualité. Le « personnage » vit intensément, est près de ses émotions, de ses sens. Mais son existence apparaît transposée – par le procédé narratif – dans un univers plus abstrait aux couleurs aquiniennes dans lequel le vide peut asservir.
En ce qui concerne Le conte, l’auteur adopte la même structure narrative, mais le résultat est beaucoup moins percutant. Le narrateur est collé au parcours de son « personnage » dominé par un inconfort existentiel. Ce dernier, par exemple, erre – au tout début – avec son enfant en pleine forêt, fuyant on ne sait trop quoi… à la façon de certains personnages de Kafka. L’atmosphère du Conte relève, d’ailleurs, d’une étonnante étrangeté surtout lorsque le « personnage » pénètre, par hasard, dans un dédale d’obscurs souterrains abritant une ville ou une cité intérieure. C’est là que ce roman – en deuxième partie – bascule dans un fantastique sans grande pertinence. À tout le moins, on change beaucoup trop rapidement de registre… en regard de la continuité et de la subtilité du Manuscrit.
L’on pourra se demander quel est le sens de tous ces errements d’un « personnage » issu de l’imaginaire débridé d’un narrateur éprouvant – et ceci vaut pour les deux romans – , une certaine difficulté à centrer ses démarches romanesques et cela, malgré l’évident talent d’un écrivain qui n’a peut-être pas encore vraiment trouvé sa voix.