« L’école devrait être une fortification du rêve, du jeu et de la pensée, un lieu fermé qui ne s’ouvre sur le monde que par ses fenêtres. »
Leméac réédite à point nommé cet essai de l’écrivain et ex-professeur de l’Université McGill alors qu’au Québec l’on réclame de plus en plus des états généraux sur l’éducation. L’auteur revisite son propre chemin de l’école qui l’a conduit jusqu’au doctorat et à l’enseignement universitaire. L’essai comprend des textes inédits et d’autres parus dans diverses publications. Certains, moins généralisables, sont colorés par l’expérience de l’enseignement de la littérature et de la création littéraire à l’université.
Loin des rumeurs de la ville, l’école doit se centrer sur l’enfant en lui laissant le temps d’apprendre sans viser le résultat immédiat, de préconiser l’essayiste. De même prône-t-il une école indépendante des exigences du marché du travail, offrant un enseignement de connaissances gratuites orientées vers le développement de tout l’être. Ainsi, l’école doit-elle rester imperméable à l’esprit marchand et au clientélisme. En ce sens, Yvon Rivard se porte à la défense des cours de formation générale au cégep dont la pertinence a été si souvent remise en question par les adeptes d’un savoir pratique et monnayable. Toutefois, il déplore l’hyperspécialisation théorique dans l’enseignement de la littérature depuis les années 1960, avec notamment la narratologie qui, selon lui, pervertit l’œuvre en voulant la disséquer, l’analyser, ce qui a peu à voir avec la littérature. Vu sous l’angle du programme ministériel de formation générale en littérature, il est vrai que les compétences recherchées – que Rivard se donne la peine d’expliquer – n’ont pas grand rapport avec la fréquentation de la littérature. Si ces compétences sont pertinentes pour qui s’engage dans l’expérience littéraire, elles risquent d’éloigner ceux pour qui c’est la dernière chance de développer le goût de lire et d’apprécier la littérature. C’est pourquoi il dit écrire ce livre par solidarité avec les professeurs de littérature et de philosophie du cégep qui font un travail qu’il qualifie d’héroïque.
Quoiqu’un tantinet nostalgique de l’école qui l’a formé, Yvon Rivard rappelle avec force la finalité de l’école, le rôle des parents et des professeurs. Par contre, il critique l’école actuelle avec le morcellement des connaissances, la pédagogie qui prend le pas sur les contenus, les tracasseries administratives, bref l’école contemporaine. Pour étayer sa pensée, l’auteur fait appel à un nombre impressionnant de grands auteurs, dont Virginia Woolf, Franz Kafka, Peter Handke, Maurice Blanchot, Fernando Pessoa, pour ne nommer que les plus cités. Sur le chemin de l’école offre de belles pistes de réflexion et de discussion. Sauf que, faut-il le rappeler, l’école reflète les valeurs de la société d’une époque donnée. Jusqu’où iront nos réformes, si jamais nous entreprenions une nouvelle révolution en éducation ?