Voyager dans le temps, un rêve immémorial. Et si c’était possible au café Dona Dona, à Hakodate, au nord du Japon ? La légende veut que le temps d’y boire un café et vous voilà transporté à un moment précis du passé ou du futur, à la rencontre de la personne souhaitée.
Mais attention, des règles conditionnent l’accès au voyage. La première est de nature à décourager quiconque espère modifier son présent en allant corriger quoi que ce soit dans son passé, car le voyage dans le temps n’a aucun effet sur le présent. La deuxième dit que seules les personnes ayant déjà fréquenté le Dona Dona peuvent être rejointes. Et encore faut-il que soit libre la seule place précise du café qui permette ce mystérieux voyage. Or, le fantôme d’un gentleman occupe ledit siège en permanence, ne le quittant que pour aller aux toilettes, une fois par jour, jamais à la même heure. La dernière règle impose une limite de temps : le café servi par la plus jeune parente de la propriétaire doit être bu avant qu’il ne refroidisse, sinon le voyageur deviendra fantôme, condamné à passer l’éternité sur la même chaise, ce qui correspond en quelque sorte à un suicide.
On aura compris que ce roman japonais est une pure fantaisie. S’en dégage une double intention de rendre hommage à la vie et de souligner l’importance de faire la paix avec son passé pour vivre sereinement le présent. Réflexion existentielle qui est également suggérée par le jeu des cent questions qui fait l’objet des échanges entre les habitués et le personnel du café. En effet, à partir du livre intitulé Et si le monde devait s’effondrer demain, en 100 questions, la fillette surdouée, habilitée à préparer et à servir le café pour le voyage dans le temps, interroge chacun. Le choix, entre deux réponses seulement pour chaque question, amène le répondant à réfléchir et à dévoiler ses valeurs personnelles. Quant aux voyageurs dans le temps, si leur expérience n’a pas changé le réel, elle a à tout le moins modifié leur regard et le ressenti qui les avait incités à revisiter un moment de leur passé : la jeune femme fâchée contre sa mère, morte aussitôt après l’avoir mise au monde, la laissant orpheline ; l’humoriste dont la bien-aimée est morte avant qu’il ne remporte le succès qu’elle avait tant souhaité pour lui ; la jeune fille qui n’arrive plus à faire la différence entre le rêve et la réalité depuis la mort de sa sœur ; enfin, l’amoureux qui prend conscience trop tard du sentiment qu’il éprouvait pour celle qui n’est plus.
Ce roman complète une trilogie dont le premier tome, Tant que le café est encore chaud, a eu un succès retentissant dans le monde entier, dit-on. Dans le troisième tome, empreint d’une certaine naïveté, le même rituel se répète d’un chapitre à l’autre. Ne reste pour satisfaire l’intérêt du lecteur que l’histoire personnelle, somme toute sans grandes surprises, des quatre personnages au centre de chacun des récits de voyage dans le temps. Chose fréquente, les suites d’un grand succès perdent souvent de leur intérêt en reproduisant la recette éprouvée.