Ce premier roman nous plonge dans un univers plutôt morose. Il affiche toutefois des signes distinctifs prometteurs.
La protagoniste du roman, Laurel, traverse une phase de rupture amoureuse. Le lien est définitivement brisé, mais l’ex-amant voudrait renouer et cela crée chez la jeune femme un sentiment qu’elle semble avoir du mal à cerner elle-même. Elle se retrouve en apesanteur, en attente de la réponse à une question qu’elle n’arrive pas à formuler. Travailleuse culturelle à la pige, elle parvient tant bien que mal à mener ses entrevues pour un magazine de design. En dehors des heures consacrées à son travail, elle erre, à travers la ville, dans les fêtes, mais peine à établir un véritable contact avec ses semblables. Elle a du mal à s’affirmer et reste souvent muette, alors qu’elle aurait pourtant à dire : « [j]e me souviens, mais je ne lui avoue pas », « [c]e que je veux dire, mais que je ne dis pas ». Ou alors, les mots qu’elle prononce ne correspondent pas à ce qu’elle pense, à ce qu’elle devrait peut-être extérioriser.
Le climat languissant du roman découle de la perception de Laurel, une vision altérée par son état d’âme. Les événements et les êtres sur le parcours de son errance sont pour la plupart sans consistance, même dérisoires. Lors d’une soirée festive, Laurel, silencieuse, écoute le brouhaha des conversations qui fusent de toutes parts et dont elle saisit des bribes. La romancière illustre la situation en déclinant des phrases qui semblent émaner de diverses personnes. Cet alignement de banalités parfois sans lien apparent, ce brouillage de pistes, sur plusieurs pages, constitue sans doute une originalité, mais le procédé pourrait donner au lecteur l’envie de décrocher.
L’autrice détient un doctorat en études littéraires. Son écriture en témoigne, tant on perçoit entre les lignes une volonté de se distancier de la convention et, en même temps, une retenue qui laisse une impression d’inachevé. Ainsi, Laurel évoque à certains moments le souvenir de sa mère et cela ajoute un peu d’épaisseur au personnage, toutefois cette piste n’est pas explorée en profondeur. À la fin du roman, il y aura bien une sorte de dénouement, mais cela ressemble davantage à un pis-aller qu’à une réelle émancipation. Comme le personnage de son roman, Laurence Pelletier possède manifestement des moyens qu’elle n’exploite pas à la hauteur de leur plein potentiel. Malgré toutes les réserves qui précèdent, il s’agit assurément d’une autrice à suivre.