Le lecteur qui – comme moi – décidera de n’accorder aucune créance aux informations fournies par l’auteur courra un certain risque, celui de traiter comme un superbe canular ce qui, selon d’autres jugements, pourrait mériter une lecture sérieuse. Le lecteur prêt à croire que cet atlas doit vraiment la vie à un pilote d’avion de la NASA et qu’il a effectivement transporté des échantillons de sol lunaire vers les différents musées de la Terre, celui-là affrontera un risque inverse : celui de se faire leurrer par Rober Racine autant que le furent des milliers d’admirateurs de Borges par l’une ou l’autre de ses fumisteries. À mes risques et périls, j’ai choisi le scepticisme : je m’aventure à parier que L’atlas des films de Giotto est, de bout en bout, une autre réussite du polyvalent et protéiforme Rober Racine. Je suis conforté dans ma doutance par le fait que la production cinématographique de Giotto fut, à ma connaissance, fort limitée…
Voici donc une compilation de quelque 230 films qui ont en commun de n’exister que dans et par l’imagination de Rober Racine. Pour appartenir au monde du songe, ces 230 fiches cinématographiques n’en sont pas moins minutieuses, évocatrices, professionnelles, visualisables. Pour un cinéaste, un producteur ou un réalisateur, cet atlas est lourd de tentations, d’invitations, de défis : les intuitions, les images, les interprètes, les commentaires du public, tout est là, d’avance, plausible, complice. Racine fournit même les noms des salles où chacun de ces 230 films (?) aurait été présenté ; il s’agit souvent d’une salle vouée au répertoire, mais pas nécessairement.
Un exemple ? Lieu : New York ; les salles : Sunshine Cinema, The Film Society of Lincoln Center, BAM Rose Cinemas, The Ziegfeld. Lincoln Plaza Cinema ; titre du film : Ce qui n’a pas été. Fiche technique : Esp. (1978). Coul. 127 minutes. Drame de mœurs de Ramon CAJAL. Avec Joana Bode, Ernst Chladini, Emilio Aldrin et Xavier Lamont. Synopsis : Pour fêter ses quatre-vingts ans, un juge à la retraite vend sa collection de cent mille disques vinyle, lettres et livres rares pour offrir à son jeune amant, père de famille, une salle de conditionnement physique dernier cri.
Suivent les mentions des scènes principales et quelques commentaires en provenance de spectateurs du film. Enfin, un bref commentaire de Racine : « Moi : Passons. La Toscane m’a fait rêver. J’y ai revu mon père me racontant son Atlas ».
Stupéfiante fécondité qui permet l’accouchement de 230 canevas à la fois rêvés et bien construits. Quand Racine remercie les éditions du Boréal qui ont permis la publication de « ce livre singulier », remercions l’auteur qui l’a écrit.
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