Ce recueil posthume d’une cinquantaine de courts textes signés Primo Levi aide à mieux pénétrer la pensée de l’auteur universellement connu. Plusieurs des récits ont paru dans La Stampa de Turin, journal auquel Levi a collaboré comme critique littéraire jusqu’à sa mort en 1987. Les brefs essais repassent sur les thèmes du totalitarisme et du nazisme, posant des questions sans réponse. Au fil des chapitres qui se présentent chronologiquement, les références contemporaines abondent, évocatrices de la lucidité de l’écrivain.
Homme aux multiples destins, Levi se réclame avant tout de son métier de chimiste. « J’ai atteint le statut d’écrivain parce que, capturé en tant que partisan, j’ai échoué dans un Lager en tant que Juif. » Si l’écriture est sortie de son cœur, comme un exutoire, la précision de sa prose semble découler de sa formation scientifique. L’asymétrie et la vie, titre tiré d’une des nouvelles du livre, se veut un hommage à la profession de Primo Levi. Toute analyse existentielle établissant un lien avec la chimie a pour l’auteur une évidente importance mais son explication de « l’utilité adaptive de l’asymétrie » risque d’échapper au commun des mortels.
Levi possède une telle envergure morale et une telle exactitude dans ses formulations que Le devoir de mémoire, titre d’un de ses ouvrages, est aujourd’hui expression consacrée.Si forte était sa volonté de dénoncer qu’il a ébauché les premières notes de ses livres à Auschwitz même. Levi voulait « non pas vivre et raconter, mais vivre pour raconter ». Sans trêve, le matricule 174517 a cherché non pas à expliquer l’incompréhensible abomination de la Shoah mais à témoigner afin que l’horreur ne se répète pas. Vœu qui ne s’est hélas pas vérifié.