Libérer les femmes de la position de victime où les confine trop souvent le féminisme « classique » et les replacer en position de sujet. Voilà qui n’est pas le moindre intérêt du livre d’Annmarie Adams et Peta Tancred. Et c’est loin d’être le seul !
L’ouvrage est issu de la collaboration originale entre une historienne de l’architecture et une sociologue – les discours sur l’interdisciplinaire ou la transdisciplinarité des milieux académiques nous y ayant peu habitués.
La comparaison entre la situation des femmes architectes au Québec, en Ontario et dans l’Ouest canadien est fort éclairante, et sa portée (comme celle de l’ouvrage) va au delà du simple domaine de l’architecture. Les auteures, en effet, ne veulent pas juger l’insertion des femmes dans la sphère professionnelle à la lumière de celle de leurs collègues masculins ; elles refusent dans le même sens d’évaluer la participation des Québécoises à cette profession à l’aune d’une quelconque « normalité » canadienne-anglaise ou américaine. Les Québécoises sont entrées plus tardivement dans les rangs des architectes, comme dans la plupart des professions traditionnellement masculines. Depuis la Révolution tranquille qui fut l’occasion d’un essor, leur présence s’est accrue de façon telle qu’elle surpasse désormais celle leurs consœurs du Canada anglais.
L’architecture au féminin est surtout une réflexion sur les femmes et le travail, sur la division sociale du travail. Dans une perspective féministe certes, mais qu’on pourrait qualifier de néo-féminisme, Annmarie Adams et Peta Tancred affirment que les femmes architectes ont raison de contester les conditions de travail en vigueur dans leur profession (travail qui se prolonge régulièrement le soir et les fins de semaine), conditions qui rendent impossible la conciliation travail-famille ; c’est ainsi que plusieurs femmes en viennent à abandonner la pratique privée, sans quitter pour autant l’architecture, pour tenter d’exercer leur métier ailleurs, autrement.
Un livre passionnant sur les professions, sur les femmes, sur le Québec et sa spécificité, sur le partage social du travail, qui devrait rejoindre un large public au delà de l’ordre des architectes !