Parmi les auteurs contemporains, Bernard Werber est l’un des rares à appliquer la méthode de Mozart de manière aussi inattendue et pertinente : ses romans passent généralement pour de la science-fiction éminemment distrayante, mais y affleure aussi, çà et là, de façon plus ou moins appuyée, une réflexion philosophique plus profonde et comme sous-jacente ; depuis longtemps déjà, je suis intimement persuadée que les acrobaties fort imaginatives de Bernard Werber cachent une véritable quête du sens de la vie.
L’arbre des possibles est son premier recueil de nouvelles ; et contrairement à bien des recueils de ce genre, on ne ressent à la lecture aucune frustration, tant chacun des textes est abouti dans son inachèvement. Chacune des histoires qu’il nous propose est une illustration des possibles dans laquelle la coopération active d’un lecteur consentant est comme le prolongement logique. Bernard Werber utilise depuis toujours cette bonne vieille approche contrastive déjà éprouvée par Voltaire avec Candide ou par Montesquieu avec Les lettres persanes. Pour ce faire, il confronte avec une habileté hors du commun l’infiniment grand et l’infiniment petit, éprouve les limites de l’esprit humain, jongle avec le merveilleux et le rationnel, avec une pointe de poésie et de truculence. Et toujours, il fait réfléchir, de manière ludique et, au sens propre, enthousiasmante.
J’aime cette manière discrète qu’a Bernard Werber de sembler croire en l’intelligence de ses lecteurs, ce qui est une vertu bien rare de nos jours chez les littérateurs. Et suprême hommage à son lectorat, son style – qui a toujours été efficace et précis – s’affine ; à la pertinence s’ajoute ainsi aujourd’hui l’élégance.
Imaginez si un auteur intelligent et généreux se met à bâtir des hypothèses optimistes mais réalistes pour notre monde moribond : puisse L’arbre des possibles croître indéfiniment.