Cette œuvre posthume est à plus d’un titre représentative du panthéisme érotique et méditatif qui rend si particulier l’univers de François Augiéras. Intitulé dans sa première version L’histoire du petit porteur de pain, en référence à un jeune Algérien dont le souvenir hanta l’auteur, L’apprenti sorcier appartient aux « livres profonds, mais scabreux » dont Augiéras avait le secret. D’abord publié à l’initiative de Jacques Brenner dans Les Cahiers des Saisons (Julliard) en 1964, sous couvert d’anonymat, le livre portait la mention « par l’auteur du Vieillard et l’enfant ». L’inspiration se rapproche de celle du maître livre d’Augiéras, paru aux éditions de Minuit en 1954, racontant un apprentissage sensuel et mystique sur fond d’esclavage sexuel. Centré sur trois personnages, le narrateur adolescent, un prêtre de trente-cinq ans et un enfant, L’apprenti sorcier relate lui aussi une initiation spirituelle et perverse à la vie illimitée. Situé au cœur du Périgord noir, le récit débute par l’arrivée du narrateur chez un prêtre extravagant et fruste, qui ne se contente pas du rôle de précepteur. Il éveille en effet les sens de son pupille à la volupté de la chair flagellée et meurtrie, l’initiant par le fait même à la perception des mouvements cachés de la vie (la sorcellerie dont il est question dans le titre). Quand le narrateur vit une passion physique avec un garçon du village, le curé magicien s’abstient d’intervenir, mais les gendarmes guettent. Leur présence sert de rappel que le héros, chez Augiéras, est un être radicalement à part et aux prises avec la loi sociale, contre laquelle il l’emporte, mais de justesse. Un récit comme L’apprenti sorcier n’est pas à mettre entre toutes les mains, malgré le magnétisme et la puissance évocatoire émanant de l’écriture. Apparentée par son côté sulfureux aux controversés récits de Gabriel Matzneff, l’œuvre d’Augiéras réclame une ouverture d’esprit particulière, même s’il est assez aisé de se laisser séduire par le chant d’amour au « beau Sarladais » : « Pays sauvage, pour qui sait voir, c’est un pays des esprits. Un pays de sorciers ». La nature, au sens sacré, constitue au fond le personnage central des romans d’Augiéras.
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