Dans un court mais substantiel essai, l’auteur ajoute une pièce de choix aux multiples ouvrages déjà publiés sur l’Ouest canadien et son développement mouvementé.
Entremêlant « la grande et la petite histoire », l’ex-« professeure de droit des personnes, de l’enfance et de la famille » met ici l’accent sur la figure quasi mythique de Louis Riel (1844-1885), le chef des Métis canadiens qui a lutté âprement toute sa vie pour la reconnaissance de sa nation ainsi que des droits et des aspirations de celle-ci. Riel a constamment cherché à contrer ses nombreux opposants et ennemis avoués, qu’ils soient hommes politiques fédéraux, orangistes sectaires, Métis traîtres à sa cause ou dirigeants abusifs de la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui fut le « moteur de [l’]expansion » vers l’Ouest.
Renée Joyal ramène d’abord à notre mémoire le nom des « glorieux explorateurs et découvreurs » des XVIIe et XVIIIe siècles, dont Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye (1685-1749) qui a vainement tenté de parvenir à « la mer de l’Ouest », accompagné de ses fils, d’Autochtones et de dizaines d’engagés. Parmi ces derniers figurent plusieurs descendants du Français Jacques Goulet, le premier du nom à s’établir en Nouvelle-France, en 1646 ; par sa lignée maternelle, l’auteure appartient à cette famille pionnière.
L’appel de l’Ouest décrit en détail le long et tortueux chemin suivi par Louis Riel dans la conquête et l’organisation du territoire de son peuple. Convaincu de la légitimité et de l’impérieuse nécessité de son action, le chef métis en a fait la « mission » de sa vie : ce concept lui fut révélé en 1874 par Mgr Ignace Bourget, archevêque de Montréal, lors d’une « rencontre marquante » dont « l’impact [fut] déterminant sur son évolution psychique et politique ». En dépit de conjonctures la plupart du temps défavorables, des promesses non tenues des gouvernements, de l’usurpation des terres par des spéculateurs voraces et des interventions souvent inefficaces du clergé, Riel a persisté et dirigé la résistance des siens, en participant par exemple activement aux négociations menant à l’Acte du Manitoba, qui conférait à ce coin de pays le statut de province, en 1870. Il n’a jamais, dit l’auteure, soutenu le projet d’annexion aux États-Unis des Fenians irlandais et a toujours recherché l’harmonie entre les catholiques et les protestants.
L’exaspération atteinte, les compatriotes de Riel se révoltèrent contre le gouvernement, avec Gabriel Dumont comme dirigeant militaire. La confrontation armée qui s’ensuivit se solda par la défaite des Métis, à Batoche, le 11 mai 1885. Incarcéré à Regina, le chef des insurgés subit un procès, en anglais, où le jury, composé de six anglo-protestants, trouva l’accusé coupable de trahison, pour actes de rébellion, et le condamna à la pendaison. Après plusieurs reports de sentence, Riel fut exécuté le 16 novembre 1885, à Regina. En exposant les péripéties de ce procès, Renée Joyal ne manque pas de citer « la détestable et célèbre » parole du premier ministre orangiste John A. Macdonald au sujet du verdict : « Même si tous les chiens du Québec aboient en sa faveur, Riel sera pendu ».
En fin de parcours, l’essayiste recense les nombreux honneurs qui furent rendus à l’illustre Métis et ajoute en annexe de pertinents textes, dont deux lettres du condamné (à sa mère et à son épouse) la veille de sa mort. En cours de route, on a pu lire aussi trois de ses poèmes. Quoique toujours sympathique aux démarches du chef de la rébellion, l’étude de Renée Joyal est une source de renseignements crédible et documentée.