Aller au contenu
Accueil > Commentaires de lecture > fiction > L’APPARITION DU CHEVREUIL

L’APPARITION DU CHEVREUIL

Dans ce septième roman de l’autrice, qui est aussi son deuxième à paraître chez Alto après Le parfum des tubéreuses (2015), la retraite en forêt d’une écrivaine est troublée par une présence inquiétante.

Pour échapper au déversement de haine et au harcèlement déclenchés par ses prises de position féministes sur les réseaux sociaux, la narratrice se retire dans un chalet isolé en forêt. Parmi ses détracteurs, un certain Rock Dumont, membre du groupe d’extrême droite La Souche, lui témoigne une animosité qui confine à l’obsession. Serait-il de mèche avec le beau-frère, le farouche et déplaisant conjoint de sa sœur, figure au centre d’un drame domestique et familial qui se précise petit à petit ? Au fil d’une narration entremêlant le huis clos forestier, des retours en arrière et des consultations avec une psychologue, un chalet voisin dévoré par la mérule se dresse de façon de plus en plus menaçante au milieu du paysage. Le beau-frère, mécontent de sa séparation dont il tient la narratrice en partie responsable, pourrait bien l’avoir suivie, pourrait envisager de se venger. Prête à l’affronter, la narratrice s’inquiète surtout pour son neveu, cet enfant qu’elle essaie de « maintenir en vie », c’est-à-dire de « maintenir en enfance » malgré l’éducation à la dure que son père a choisi de lui donner.

Le style coulant et concis de ce roman dissimule très efficacement la difficulté du travail d’écriture qu’il a dû exiger. Entremêlant les temporalités et les tonalités réaliste et imagée, la romancière aborde avec maestria le ressac du mouvement #AgressionsNonDénoncées. Il est non seulement question de combativité féministe, de masculinité toxique et de libération de la parole dans L’apparition du chevreuil, mais aussi de l’antiélitisme et du déni de l’autre qui gangrènent notre époque – une époque de prédateurs à la poursuite de leurs proies. Le portrait est à la fois lucide et glaçant.

Enregistrement