Pour se lancer dans la lecture de ce livre, il n’est pas inutile de prendre un grand souffle avant de plonger et d’y aller à fond de train. L’ancienne devise du défunt magazine satirique Croc, « C’est pas parce qu’on rit que c’est drôle », s’applique à chaque page du livre.
On rit, mais on rit jaune. Le style de ce pamphlet humoristique, à l’image du précédent de l’auteur Une pipée d’opium pour les enfants (2018), est cru, violent, salace.
Sur quels sujets Dubé déverse-t-il le fiel de sa critique ? Sur le capital, l’État, la suffisance des riches, notre aveuglement volontaire devant la catastrophe imminente, les problèmes écologiques (on avalerait en plastique chaque semaine l’équivalent d’une carte de crédit), les médias mainstream, les mirages de l’auto électrique, les faux discours environnementaux, notre manque de courage et de radicalité, la police, le tourisme de masse (l’Everest est un grand dépotoir à ciel ouvert, cadavres d’alpinistes compris), etc., etc.
Électron libre de la gauche, sorte d’héritier de Pierre Falardeau, Dubé pratique un genre qui trouve peu sa place au Québec, un genre qui ne permet pas de se faire de nouveaux amis, enfin, pas des amis occupant une place de pouvoir dans la société.
D’ailleurs, ce style vitriolique comporte son lot d’ennuis. Fin 2016, Dubé avait perdu sa place de chroniqueur humoristique à l’émission Plus on est de fous, plus on lit ! de Radio-Canada. La publicité entourant le 375eanniversaire de Montréal avait été abondamment critiquée pour son manque de diversité. Fred Dubé a concocté une chronique dans laquelle il passait férocement dans le tordeur tour à tour les membres du comité organisateur. Il faut dire qu’il dérogeait du texte qu’il avait initialement envoyé, au grand dam de l’équipe. L’acte montre le style du bonhomme : iconoclaste et irrévérencieux.
Dubé a le sens des formules-chocs. Elles abondent dans son livre : « Le robinet, c’est le transport en commun de l’eau ». « On va crever à cause des gaz, mais sans avoir besoin de construire les chambres. » « Quelle est la différence entre le développement durable et la fin du monde ? Six mois. »
Ce style pamphlétaire manque certes de nuances, mais l’heure n’est plus aux nuances, dirait sûrement Dubé. Et puis la nuance, ce n’est pas son truc. Qui l’aime le suive. Les positions nuancées, plus réfléchies, n’attirent pas l’attention et ne font pas les manchettes. « Demander gentiment ne suffit pas. » Dubé oppose la violence discrète des puissants qui détruisent la planète à celle, contenue et vertueuse, des écolos trop pacifiques. En appui à son style, il cite Virginie Despentes : « Il faut la violence. Sinon, personne n’écoute ». S’agit-il seulement d’une violence verbale ? Ce n’est pas toujours clair.
Le pamphlétaire maintient son rythme sur 245 pages, ce qui fait en sorte que l’effet initial perd en efficacité. Peut-être aurait-il fallu condenser un peu plus. Les inconditionnels, toutefois, en redemanderont.
Dubé, c’est le style corrosif de la gauche qui rit, une gauche libertaire et moqueuse qui fait changement de l’habituel esprit de sérieux. Et non, ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle.