Écrire un commentaire de lecture, c’est peut-être davantage faire parler le livre que parler du livre. C’est essayer de faire entendre une voix que la lecture a fait monter en nous. C’est espérer ne pas trahir, ne pas réduire la pensée et l’émotion de l’auteur.
Jean-Noël Pontbriand nous offre, avec Langue maternelle et identité, son sixième essai sur la création littéraire et son enseignement. Ce nouveau livre, qui a pour sous-titre Les mots qui engendrent, interroge et approfondit la notion de langue maternelle comme lieu de naissance au monde humain et spirituel ainsi que les rapports qu’elle entretient avec la langue d’usage employée uniquement comme moyen de communication. Comme son titre l’indique, cet essai explore aussi l’incidence de la langue vivante et créatrice sur l’identité, individuelle et collective, de ceux qui la parlent.
Qu’est-ce donc que la langue maternelle ? Une langue parlée par les enfants ? La langue de notre mère ? Pontbriand écrit : « Le mot maternel, ici, désigne le fait que grâce au langage nous accédons à un autre mode d’être que le mode naturel : le mode culturel. Ce passage du mode naturel au mode culturel est l’équivalent d’une naissance au monde de l’esprit ». Il ajoute : « La langue vivante est, pour chacun de nous, maternelle, tout au long de notre vie ; elle est l’espace propre de notre épanouissement, la source qui nourrit notre être et lui permet d’accomplir ce qu’il est appelé à devenir ».
Découvrir notre identité personnelle est une tâche exigeante. Cela suppose que celui qui parle dans la « répétition en vienne à parler par nécessité d’être lui-même ». Qu’arrive- t-il à celui qui accède à ce mouvement profond de la langue vivante et créatrice ? « Peu à peu, s’édifient son visage et sa vie propre, l’originalité de sa relation au monde et à lui-même par l’intermédiaire des mots. »
Jean-Noël Pontbriand rappelle que l’identité d’un peuple est « intimement reliée à la langue maternelle ». Prenant appui sur le destin québécois, le poète et essayiste démontre (et nos politiciens seraient bien avisés de lire ses propos avec attention) que la langue maternelle permet aux peuples d’accéder « à une autonomie nécessaire à leur développement de société vivante ».
Ce livre est aussi un éloge de la poésie, un mot qui peut prêter à confusion. Il n’est pas question uniquement du genre littéraire, mais également de la poésie comme manifestation d’un « langage vivant, originaire et créateur ». Il faut lire les pages où l’auteur cherche à définir le mot poète comme un être intéressé, non pas par la communication, mais par la communion « qui se situe avant le langage organisé de la vie sociale qui transforme le mot en concept et le langage en code ».
Comment résumer un livre d’une si profonde maturité et, osons le mot, riche de sagesse. Ici, la pensée fait surgir un langage traversé et travaillé par le temps. Les réflexions se nourrissent de poésie, ce chemin qui se trace au fur et à mesure de l’écriture.
Né en 1933 à Saint-Guillaume d’Upton, Jean-Noël Pontbriand a publié de nombreux recueils de poésie et des essais importants sur la création littéraire. Il a enseigné une quarantaine d’années au Département des littératures de l’Université Laval. La liste des auteurs qu’il a accompagnés, même s’il ne s’en est jamais vanté, est impressionnante. Des poètes, de différentes générations, ont pu avancer en poésie grâce à lui. Un prix littéraire, décerné chaque année par la Ville de Québec en collaboration avec l’Université Laval, porte maintenant son nom.