Avec ses derniers ouvrages, dont l’un réunit les textes de ses chroniques parues dans L’humanité, Camille Laurens ne surprend pas on s’y attendait, enfin on attendait. Or l’attente n’a pas été vaine, Camille Laurens ne nous déçoit pas. Tandis que Le grain des mots rappelle Quelques-uns, L’amour, roman fait en quelque sorte écho à Dans ces bras-là. Toutefois, bien qu’ils évoquent les précédents ouvrages, les deux nouveaux n’en demeurent pas moins originaux et on les savoure avec autant de plaisir qu’on a dégusté les premiers.
Camille Laurens a un style bien à elle : directe, sans fioritures, elle va droit au but. Quand il s’agit de définir un mot, elle n’a pas son pareil : elle dit beaucoup, et son contraire ! Car les mots sont bavards et, selon les circonstances, ils disent, médisent ou se dédisent. « [ ] il y a un sens sous le sens, il faut creuser, trouver, comme le dit Paul Ricœur, non pas tant la chose du mot que l’autre mot de ce mot : une fois que l’on a mis au jour l’orgueil sous la magnanimité, le hasard sous le succès, la peur du ridicule sous le sens de l’honneur, l’intérêt sous l’amitié et l’amour-propre sous l’amour, peut-être peut-on trouver dans l’usage de ces mots rendus à leur plus grande justesse, dans cette traversée des apparences et cette dissolution des illusions, au fond du vide, une forme de bonheur, en tout cas de plaisir, qui est justement notre seul but dans la vie. »
Les deux petits livres se rejoignent puisque, comme le dit l’auteure, « L’amour, c’est des mots ». L’on pourrait, sans trahir sa pensée, dire aussi que l’amour, c’est des maux car, dans L’amour, roman, Camille Laurens raconte aussi bien le désir naissant que le déclin de l’amour : « Quelles personnes auraient commencé de s’aimer, si elles s’étaient vues d’abord comme on se voit dans la suite des années ? Mais quelles personnes aussi se pourraient séparer, si elles se revoyaient comme on s’est vu la première fois ? »