Depuis 1952, le mensuel Positif figure parmi les trois plus importantes revues de cinéma en France, avec son éternelle rivale Les Cahiers du cinéma et la plus récente CinémAction. L’anthologie d’articles rassemblés par Stéphane Goudet sous le titre L’amour du cinéma, 50 ans de la revue Positif donne un très bon aperçu de certains grands moments de l’histoire du cinéma du dernier demi-siècle, selon l’optique de cette revue, centrée davantage sur les créateurs – cinéastes, scénaristes – que sur les actrices et les acteurs – comme l’a fait par exemple le très populaire magazine français Première.
Le voyage au centre de l’histoire du cinéma qui nous est ici proposé nous permet, en 50 articles forcément inégaux, de revivre des sorties marquantes commentées au présent ; on redécouvre les réactions des critiques français pour des films aussi différents que Los Olvidados (1952) de Luis Bunuel, Shining, l’enfant lumière (1980) de Stanley Kubrick, Stalker d’Andréï Tarkovski (commenté en 1981), et de quelques longs métrages français (de Claude Sautet, Maurice Pialat, Éric Rohmer).
On y relit aussi un très vivifiant article polémique datant de 1962, contre la Nouvelle Vague promue et défendue par Les Cahiers du cinéma, dans lequel le critique Robert Benayoun écrit : « Il est un autre cinéma », comme pour attirer l’attention sur l’omniprésence de ce courant si influent. Intitulé sarcastiquement « Le roi est nu », l’extrait choisi s’ouvre par cette définition péremptoire de la Nouvelle Vague : « Une Weltanschauung de l’incompétence ». Ce scepticisme envers une frange de la Nouvelle Vague et particulièrement Jean-Luc Godard distinguait fondamentalement la revue Positif des très arrogants Cahiers du cinéma, véritables inconditionnels de ce cinéaste.
Au fil des ans, Positif avait également consacré des dossiers à certains grands cinéastes du muet : Robert Wiene, Friedrich-Wilhelm Murnau, Fritz Lang, Erich Von Stroheim, mais ces articles ne sont pas reproduits ici. Plusieurs auteurs des textes réédités sont des écrivains de cinéma réputés et intègres : Paul Louis Thirard, Marcel Oms, Michel Ciment, Barthélemy Amengual, Jean-Pierre Jeancolas. Les articles explorent les films de réalisateurs exigeants : Michelangelo Antonioni, Akira Kurosawa, Theo Angelopoulos, Manoel de Oliveira.
Les meilleures revues de cinéma des années 1970 et 1980, comme Cinématographe et La Revue du cinéma, Image et son, ont malheureusement disparu, ce qui révèle la fragilité de l’édition cinématographique en France. Souhaitons donc à Positif au moins un autre demi-siècle de vie et une meilleure visibilité au Québec.