Dans les premiers chapitres, on aimerait projeter l’image d’un personnage sans états d’âme inconfortables. Ni souci ni profondeur. Simon traverse l’existence en dansant, cueille les plaisirs sans en attendre la félicité éternelle et stérilise sitôt nées les réflexions qui, malgré lui, auraient pu dégénérer en questionnement. Le style s’en ressent. À peine une pensée se dessine-t-elle qu’elle se heurte à un « bon », à un « allons », à un « bof ». Simon pense court et Mario Vivier écrit en conséquence. L’effet produit ne ressemble peut-être pas à celui que recherche l’auteur : à trop cultiver l’épidermique, peut-être quelqu’un en oublie-t-il de penser.
Un drame imprévu modifiera cependant l’atmosphère. Et l’écriture prendra un autre relief. Simon se secoue, consent à finir ses phrases et à penser. On n’entre pas pour autant dans un univers régi par la logique, mais la désinvolture ressemble moins aux moues du bébé gâté. On se moquait de nous et du monde, on consent désormais à rattacher les péripéties les unes aux autres. Mario Vivier se dissocie dès lors si complètement de son personnage surfant sur la vie qu’il en devient analyste politique apte à porter jugement sur le New York Times… Virage ambitieux.
Assez désinvolte pour nous promener distraitement de Nijinski à Duras en passant par Breton, assez négligé pour ne nous épargner aucune mue de « débuter » en verbe transitif, le bouquin témoigne d’un talent réel et d’une prétention aussi tangible. L’auteur écrit comme s’il allait de soi que toutes ses divagations méritent l’admiration. À ménager l’effort, à considérer comme achevé ce qui tient plutôt du premier jet, il demeure à distance d’une réussite qu’il est pourtant en mesure d’atteindre. Rien n’est plus difficile que d’être méticuleux jusque dans le négligé ; Vivier, talentueux mais cabotin, est ici plus négligé que minutieusement désinvolte.