Du recueil original paru en anglais en 2014, Lattès a conservé cinq des treize nouvelles de Rose Tremain pour l’édition française. Traduites par Anouk Neuhoff, les nouvelles retenues s’intéressent particulièrement à la littérature et aux traces qu’elle laisse dans notre imaginaire. Ainsi, le titre du livre est aussi le titre du seul grand succès littéraire de Beth, malheureuse protagoniste de la première nouvelle. Les histoires subséquentes feront la part belle à des figures comme Tolstoï, Daphné du Maurier ou Roméo et Juliette. Les références et les intertextualités sont nombreuses chez Rose Tremain, mais la lecture n’en sera pas moins réjouissante pour ceux qui ne reconnaîtront pas toutes les filiations.
L’amant américain est en effet une lecture réjouissante. L’habileté de l’écrivaine à valser avec les clichés tout en nous surprenant avec des rebondissements inattendus en fait une lecture joyeuse. Son talent de conteuse fait sourire même quand les histoires frôlent le tragique.
Nous retiendrons tout particulièrement la nouvelle « Le farceur d’Astapovo », où l’auteure s’applique à donner une voix aux témoins des derniers jours de Léon Tolstoï. À Astapovo, le chef de gare prie pour qu’il se passe quelque chose dans une vie qui lui paraît particulièrement terne. C’est en octobre, quand « l’hiver commença à se resserrer autour d’Astapovo, comme il le faisait à cette époque chaque année », que son vœu sera exaucé à la suite de l’arrivée du mythique écrivain venu mourir au village.
Autre beau moment du recueil, la nouvelle « La gouvernante », qui donne la parole à celle qui aurait inspiré la Mrs. Danvers du Rebecca de Daphné du Maurier. S’appuyant sur la bisexualité avérée de la romancière britannique, Rose Tremain tisse une histoire sensuelle qui met en scène les chocs de classes et de valeurs. Comme dans sa nouvelle russe, elle adopte un style qui rappelle par petites touches habiles l’univers littéraire qui l’inspire.
D’autres trouvailles fleurissent dans L’amant américain, comme l’idée de mettre le drame des sans-papiers au cœur d’une relecture shakespearienne ou celle de broder autour de la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale à travers des personnages figés par la peur d’un passé inexpliqué. En plus du style agréable de l’auteure, ce sont ces petites trouvailles qui font de ce recueil un livre heureux.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...