Le secteur de l’aide publique au développement, qui comprend des acteurs tels que l’Agence canadienne de développement international (basée à Gatineau), la Banque mondiale (Washington) et des ONG comme Oxfam, est peu connu du grand public. Pourtant, des milliards de dollars s’y brassent et des projets d’envergure s’y réalisent. Plusieurs firmes québécoises, notamment dans le génie-conseil, tirent une part majeure de leurs revenus des contrats de l’aide internationale.
Coup sur coup, deux Canadiens viennent de publier des ouvrages sur le sujet. Le premier est celui d’un diplomate bien connu, Stephen Lewis. Le second est l’œuvre d’un ex-cadre de la Banque mondiale, Robert Calderisi. Malgré leur citoyenneté commune, les thèses qu’ils défendent sont diamétralement opposées.
Les deux nous font plonger dans le débat qui a présentement cours dans ce petit milieu influent. Pour les uns, il faut de toute urgence augmenter les budgets d’aide. C’est la thèse de Lewis, conseiller spécial de l’ONU sur la question du sida. Pour les autres, il faut au contraire diminuer l’aide et mieux la cibler, au profit des gouvernements affichant une bonne conduite en matière de droit et de démocratie. C’est la thèse de Calderisi, qui a Suvré pendant plus de 20 ans à la Banque mondiale, notamment en Afrique.
On comprend Stephen Lewis de s’indigner, lui qui voit de très près les ravages du sida en Afrique. Il décrie les méfaits des politiques de la Banque mondiale et du FMI, lesquelles, en insistant sur des réformes structurelles draconiennes, empêchent les pays d’ajouter des ressources au combat contre la maladie, qu’il présente comme la plus grave crise de l’histoire de l’humanité, rien de moins. Selon lui, il faut doubler, voire tripler les ressources actuelles destinées au combat contre ce virus. À cet égard, il condamne, dans un style vigoureux, « l’indifférence cruelle et la négligence coupable » de la communauté internationale.
Le point de vue de Robert Calderisi ne manque pas de justesse. Il est bien connu que, pour la plupart, les gouvernements africains ont lamentablement failli à leur tâche de développer leur pays, par cupidité, par corruption, par mauvaise gouvernance.
Devant ce constat, Calderisi, dans un témoignage mi-analyse mi-mémoires personnels, propose d’appuyer les pays africains, peu nombreux, qui démontrent une réelle détermination à se sortir de l’enfer de la pauvreté endémique : Botswana, Ghana, Mali, Mozambique, Ouganda, Tanzanie.
Les autres ? Qu’on les laisse progresser vers plus de transparence, de respect des règles du droit, d’ouverture politique avant de s’engager plus avant. Loin de lui le « sanglot de l’homme blanc ». Calderisi pointe du doigt les dirigeants africains. L’Afrique est responsable de ses propres malheurs, dit-il, et l’Occident est devenu trop tolérant devant l’incurie des dirigeants de ce continent. Pire, les pays riches contribuent à maintenir cette situation de dépendance par leurs programmes d’aide trop généreux envers les États négligents, peu soucieux de rendre compte des sommes formidables qu’ils reçoivent depuis des décennies.
L’auteur ne se contente pas de déplorer. En conclusion de son ouvrage qui se lit d’un trait, il propose des solutions concrètes et audacieuses quant aux façons d’orienter l’aide internationale, et ce, de manière à engager véritablement l’Afrique vers un avenir plus reluisant. Une très belle contribution à la réflexion dans ce domaine, dont d’autres fonctionnaires internationaux retraités pourraient s’inspirer.