En 1898, Tom Nulty est pendu haut et court devant tout Joliette réuni, après avoir été reconnu coupable d’avoir assassiné à Rawdon quatre membres de sa propre famille. S’inspirant de cet horrible fait divers qu’elle transforme en un court thriller, Linda Amyot imagine le quotidien de villageois pris dans une tourmente qui les dépasse. La visiteuse relate de l’intérieur ce fratricide qui a eu lieu dans une petite communauté du Québec à la fin du XIXe siècle et qui a bousculé la vie de familles jusque-là sans histoire.
Un drame affreux qu’une certaine Léonie Laforest découvrira en 1932, quelque 40 ans plus tard. Établie à Montréal où elle travaille auprès d’une riche famille bourgeoise, la jeune infirmière – la visiteuse – répondra à l’appel de sa mère mourante et retournera chez les siens au village. Non seulement lèvera-t-elle le voile sur les événements entourant les meurtres, mais elle apprendra aussi pourquoi ses parents avaient refusé d’accorder sa main à son prétendant, son amour de jeunesse.
La romancière utilise une habile mise en scène pour naviguer entre le passé et le présent, le passé étant consigné dans les journaux intimes que la moribonde avait tenus au tournant du XXe siècle puis soigneusement cachés. « Mais il y a des choses que je devrais t’expliquer aussi… Je n’en ai pas la force. Lis ces cahiers. […] Ne tarde pas. » Il est vrai qu’à l’époque, madame Laforest – qui était encore mademoiselle Élizabeth Leblanc – écrivait des lettres d’amour pour les illettrés du village, afin qu’ils puissent établir une correspondance amoureuse avec leurs fiancées souvent exilées aux États-Unis, dans les usines du Massachusetts. Le futur assassin Tom Nulty, un proche de la famille Leblanc, était lui-même un fidèle client d’Élisabeth.
Au cœur du crime, des parents, des amis qui longtemps ont tu leurs secrets. Les cahiers racontent la vie au village, les petits faits du quotidien, les rencontres et les amourettes, jusqu’au drame de 1897. Ils détaillent le procès menant à la pendaison de Nulty, puis s’arrêtent. « Non ! Doux Jésus, par pitié ! Le jury a déclaré Thomas coupable de meurtre prémédité ! »
Les écrits reprennent en 1908, dix ans plus tard, lorsque Élizabeth, devenue madame Laforest, revoit par hasard la famille de Tom, ses parents, ses sœurs survivantes. Ils sont encore anéantis par la douleur, mais cherchent à comprendre. « What about those goddamned letters ? » lui demandent-ils. La culpabilité, la maladie, la folie traversent les cahiers d’Élisabeth et atteignent la jeune Léonie en plein cœur. Devenue malgré elle la confidente de sa mère à l’agonie, elle est dépositaire de lourds secrets que celle-ci a voulu transmettre avant de mourir.
Linda Amyot connaît bien la douceur, mais aussi la lâcheté des hommes, et elle décrit avec finesse et intelligence autant les détails d’une vie à la campagne au tout début du XXe siècle que les émotions et les relations familiales de cette époque révolue.
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