Fort d’un long parcours d’écrivain, Jean-François Somain signe La visite de l’atelier dans la collection « Écrire » des éditions Trois-Pistoles, consacrée aux propos des écrivains québécois sur leur vision de l’écriture et leur travail, et regroupant déjà plus d’une trentaine de titres. Une fort belle idée qui permet aux étudiants, aux écrivains en devenir et aux lecteurs qui s’intéressent à ceux qui font notre littérature de découvrir, accompagnés par l’auteur même, le processus de création et la genèse d’une œuvre.
Pour sa part, Jean-François Somain a décidé de convier les lecteurs à une visite de l’atelier. Et quelle visite ! Sous ce superbe titre, l’auteur de Le tueur des pompes funèbres, Envie de vivre, Retrouver Jade, Le ballon dans un cube, Le chien de Shibuya, Un baobab rouge ou encore Trois voyages, pour ne nommer que ceux-là – près de cinquante romans, recueils de récits, de nouvelles et de poèmes et romans pour la jeunesse, depuis Les rapides en 1966, publiés sous le nom de Somain ou sous son véritable patronyme Somcynsky –, raconte cette passion pour la fiction à laquelle il a cédé dès l’enfance. Passion qui ne semble d’ailleurs pas près de le quitter à en juger par les dix titres à paraître à la fin de sa liste des publications. « On m’a dit que j’étais une machine à écrire, comme le pommier est une machine à faire des pommes et une poule, à pondre des Sufs. J’écris aussi naturellement que je respire, et je respirerai, comme tout le monde, jusqu’à mon dernier souffle. »
Organisée en dix étapes, la visite de l’atelier de Somain propose une vue d’ensemble de sa pratique d’écriture jusqu’à ses engagements littéraires en passant par ses sujets de prédilection, la création de ses personnages et ses réactions par rapport à la critique. Loin des théories et concepts, son approche s’avère concrète, pragmatique. D’emblée, il entreprend d’ouvrir la visite en présentant l’élément premier essentiel à la fabrication d’une œuvre littéraire. « Le matériau de base d’un écrivain, c’est lui-même. Sa vie. Ce qu’il est. Quand il s’efface pour raconter la vie de quelqu’un d’autre, c’est toujours son regard, ses jugements, ses sentiments, ses impressions, ses qualités, ses lacunes, ses marottes. Il est le prisme à travers lequel tout passe. Ce qui différencie une toile de Gauguin, de Van Gogh, de Renoir, c’est Gauguin, Van Gogh, Renoir. […] L’écrivain pèse de tout son poids sur son œuvre. » Qui a déjà lu quelques titres de Somain aura déjà compris qu’il n’y a là aucune référence à l’autobiographie ou à l’autofiction. L’auteur démontre plutôt de quelle façon sa vision du monde, ses valeurs et les sujets qui l’intéressent influencent profondément et inévitablement son travail d’écriture. Individualiste, solide dans ses convictions parfois très éloignées des ornières déjà toutes creusées, grand voyageur amoureux de la vie, Jean-François Somain a écrit une œuvre qui lui ressemble et dont il trace l’itinéraire et les balises au long des étapes suivantes.
Que l’on partage ou non sa vision du monde et la manière dont elle teinte ses livres, on appréciera néanmoins la simplicité, la lucidité et la candeur, pourrait-on dire, de cet écrivain prolifique. Une très intéressante visite d’atelier !