Au moment d’assumer le pouvoir en 2000, Vladimir Poutine a formulé quelques principes qui allaient former les assises de sa gouvernance, dont la « verticalité du pouvoir » et la « dictature de la loi ».
Au terme de la calamiteuse décennie 1990, marquée par l’effritement du pouvoir central, la corruption et la montée en puissance des oligarques, ces objectifs ne pouvaient que susciter l’adhésion du peuple russe comme celle des pouvoirs occidentaux. Malheureusement, la manière dont Poutine entendait les poursuivre allait bientôt décevoir ceux qui espéraient des lendemains qui chantent.
En ce qui concerne la « verticalité du pouvoir », Vladimir Poutine n’a fait que reprendre à son compte le vieux credo de la Russie tsariste, à savoir qu’un pays qui compte 143 millions d’habitants et 160 ethnies, répartis sur 11 fuseaux horaires, ne peut être gouverné que par un pouvoir central fort. À la limite, cette perspective est compréhensible, même si le risque de confusion entre intérêts personnels et intérêts de l’État peut être grand. Quant à l’objectif d’instaurer une « dictature de la loi », on allait vite réaliser que la manière d’y parvenir n’était pas celle que l’on attendait.
« La loi peut aussi être mobilisée […] dans le but de défendre les prébendes des dirigeants, de servir d’arme contre les rivaux ou de prétexte aux abus des redresseurs de torts. Loin d’être un rempart de l’arbitraire, le droit est alors l’un de ses véhicules au service des plus forts. » En effet, dans une organisation pyramidale du pouvoir, entre les directives qui émanent du sommet et leur mise en application sur le terrain, il y a une foule d’intermédiaires qui peuvent tirer un profit personnel de la parcelle d’autorité que leur position leur confère. Beaucoup ne s’en privent pas, nous dit Favarel-Garrigues.
La magouille politique ou administrative, au niveau local ou régional, précise-t-il, est le fait de représentants de l’État (députés, gouverneurs de province) ou de hauts fonctionnaires issus notamment du FSB, l’ex-KGB, ou des services secrets. Y sont également associées des personnes du monde judiciaire (juges, procureurs, huissiers de justice) aussi bien que du milieu interlope (caïds de la pègre, activistes radicaux, maîtres chanteurs), chacun profitant, au mieux de ses intérêts, des occasions qui s’offrent à lui.
Gilles Favarel-Garrigues met à nu ce système de corruption généralisée à partir de cas concrets. On peut regretter toutefois que, dans le foisonnement des exemples qu’il apporte à l’appui de son propos, il n’ait pas défini avec plus de clarté l’articulation des rapports entre les institutions et les différents niveaux de pouvoir. Suite d’instantanés sur les dérives de la gouvernance russe, La verticale de la peur intéressera tous ceux et celles qui cherchent à avoir une connaissance plus fine de la Russie d’aujourd’hui.