L’essayiste Franz-Olivier Giesbert est depuis des décennies un observateur attentif mais surtout un confident de l’élite politique de son pays, la France. Déjà auteur d’une biographie du président actuel (Jacques Chirac, 1987), le journaliste revient sur ce personnage singulier, qui termine un deuxième mandat au sommet du pouvoir, objectif ultime qu’il a mis toute sa vie à atteindre.
Et pour en faire quoi ? Rien, ou pas grand-chose, conclut Giesbert, dans un livre acide contre Chirac, mais aussi contre nombre de politiciens qui dominent la scène publique française.
Tout le propos du bouquin mène à ce constat, et on pourrait dénicher maintes citations pour appuyer ce dire : pendant que la France décline, son président reste figé ; l’incarnation totale d’une France immobile, qui refuse de regarder la réalité en face et de changer. Alors que le président devrait faire montre de leadership et contribuer à sortir la France de son surplace, il agit au contraire comme un complice actif de cette stagnation qui mène le pays au précipice. Convaincu que la France ne peut tolérer quelque réforme, Chirac est devenu, déplore amèrement l’auteur, « le gardien du cimetière social français ».
D’autres politiciens en prennent aussi pour leur rhume. Après Chirac, vertement dénoncé pour ses nombreuses trahisons et hypocrisies, l’opprobre est jeté sur Dominique de Villepin, dépeint comme un affreux vaniteux opportuniste, obnubilé par son image et par sa marque dans l’histoire (avec un grand H). Un maître de la posture et de l’imposture. Un portrait plus sobre se dégage de l’aspirant à la présidence Nicolas Sarkozy, qui apparaît plus équilibré et doué de bon sens. Les Québécois apprécieront de savoir que l’ex-premier ministre Alain Juppé, premier dauphin désigné de Chirac, qui vient de terminer un an d’enseignement à l’ENAP à Montréal, est décrit comme intègre, moins porté sur la politique à courte vue, quoique tout aussi arrogant et coupé du peuple que les autres politiciens français.
Mais revenons au personnage principal, cet homme âgé de 73 ans, qui glisse vers la fin de sa vie. Que retiendront de lui les historiens, à part quelques bons coups en politique internationale ? Giesbert se commet : « Il ferme la marche. Il est le berger de derrière. L’Histoire est faite par des gens qui ne descendent pas la pente, mais qui osent dire non, contre les commandements de l’époque. Chirac n’en a cure. Il a décidé depuis longtemps qu’il ne ferait pas l’Histoire mais que c’est elle qui le ferait ».