C’est désormais bien connu, l’écorce terrestre est constituée de plaques qui se déplacent en se frottant les unes aux autres. Pour faire bref, ce qui se passe sous nos pieds donne lieu à des phénomènes chimiques et physiques qui produisent des mouvements que l’on appelle la tectonique des plaques. C’est ce phénomène qui serait à l’origine de la dérive des continents. Éric-Emmanuel Schmitt n’aurait donc pu choisir meilleure métaphore pour parler de la passion amoureuse et de ses dérives…
D’entrée de jeu, je me confesse : je n’aime pas le théâtre. Toutefois, Éric-Emmanuel Schmitt fait partie de mes auteurs préférés. Aussi me suis-je risquée à « lire du théâtre ». La tectonique des sentiments, c’est une plongée au cœur même d’un genre que d’aucuns diront « révolu » : la tragédie. Pourtant, rien de plus actuel que cette courte pièce qui donne à voir (ou à lire) une femme passionnée, Diane, qui n’hésitera pas à saboter elle-même l’amour qui l’unit à Richard.
Doué d’une sensibilité affûtée, Éric-Emmanuel Schmitt crée toujours des personnages plus grands que nature qui nous montrent les rouages de la machine humaine. Ainsi en va-t-il de Diane et de Richard, deux amoureux partageant un désir d’éternité qui, pourtant, provoquent eux-mêmes la chute de leur amour.
Diane s’inquiète : « S’il me serre toujours dans ses bras, comme tout à l’heure, il ne me broie plus contre lui. D’ailleurs, il n’a plus cette fébrilité, ces gestes fous qui exprimaient son impatience, ces gestes qui me faisaient souvent mal. (Avec détresse.) Maman, il ne me fait plus mal ». Pour elle, la fin de la passion étant synonyme de l’extinction de l’amour, elle imagine un subterfuge qui aura des conséquences désastreuses.
Amour-propre, maîtrise de soi, vengeance, supercherie et cataclysme ! Au nom de la passion, des êtres n’hésitent pas à sacrifier sur l’autel de l’égocentrisme des sentiments qui, en d’autres circonstances, font la grandeur humaine.