Primé en Suède par l’équivalent du Goncourt en France, La sorcière d’avril a connu un succès international.
Deux genres s’y chevauchent. Au roman réaliste à la Zola, où l’on est confronté, au jour le jour, aux puissances et aux impuissances humaines, Majgull Axelsson ajoute une touche de fantastique : la « sorcière d’avril », incarnée par la fille unique d’Ellen, Désirée. L’enfant, qui souffrait de divers handicaps, a été placée en institution dès la naissance. Investie des pouvoirs d’une sorcière d’avril, médium capable d’habiter le corps d’autrui ou, encore, celui d’un animal, Désirée, devenue avec les années complètement invalide, y fera abondamment appel dans le but avoué de se venger des petites filles qui lui ont pris sa mère.
C’est en quelque sorte une chronique sociale de la Suède du milieu du siècle dernier que La sorcière d’avril nous présente. En ces années, l’on plaçait les enfants handicapés, l’on adoptait ceux des familles dysfonctionnelles, on avait recours aux sangles et aux électrochocs dans les hôpitaux psychiatriques. Les femmes commençaient à accéder aux études et l’on condamnait à la rue les marginaux de tout acabit.
La seconde famille de la veuve Ellen se compose de trois petites filles maltraitées qu’elle a adoptées ; elle représente bien l’époque : Margareta et Christina fréquentent toutes deux l’université, l’une devient physicienne et l’autre médecin, alors que Birgitta s’accroche à sa mauvaise étoile en suivant les traces de sa mère naturelle. À cinquante ans passés, celle que l’on comparait jadis à Marilyn Monroe est plus démunie que lorsqu’elle fut recueillie.
Voilà quatre femmes qui subissent leur destin ou qui tentent d’y échapper : avec les moyens dont elles disposent, les unes luttent pour déjouer l’inexorable tandis que les autres se livrent à la part obscure de leur être. Majgull Axelsson explore la psyché féminine avec talent.