Moitié par désir d’être lu, moitié à cause d’un humour qui ne se démentira pas, Joseph Heath assortit le titre de son analyse d’un sous-titre aguichant : « Pourquoi fait-il si bon vivre au Canada ? » Tous, du coup, auront compris qu’il sera question du classement international qu’obtient régulièrement le Canada au chapitre des « plusses beaux pays du monde ». De fait, l’auteur attache du prix à cet honneur, mais on déformerait sa pensée si on y voyait l’apologie sans nuance de toutes les performances canadiennes ou du libéralisme déchaîné.
Ce qui séduit Joseph Heath, c’est l’aptitude canadienne à préférer les résultats aux idéologies. Si une formule s’avère efficiente, le Canada s’en sert. Il en résulterait des retombées dont se privent ceux qui, comme les États-Unis, s’enferment dans des théories dont ils n’évaluent pas les effets et qu’ils ne remettent donc pas en question. Le Canada, par exemple, ne considère pas l’État-providence en matière de santé comme un mythe coûteux et anachronique et il s’en trouve bien. Le Canada s’abstient donc d’adorer la privatisation tout azimut et de toujours préférer la performance du promoteur à celle du fonctionnaire. Lui, il juge aux résultats et Joseph Heath l’en félicite.
La force et la faiblesse de l’ouvrage se situent en un seul lieu : l’analyse des situations concrètes. Excellent pédagogue, Joseph Heath présente de fascinants et troublants exemples. Qu’un pays interdise tout dépassement aux poids lourds sur la majeure partie de son territoire, et que cela accélère la circulation, on en sera émerveillé. La contrepartie, ce sera que l’auteur, toujours à l’affût de résultats tangibles, ne soit pas toujours assez familier avec une culture particulière pour bien interpréter ses choix et leurs résultats. Certaines de ses évaluations sur le Québec en deviennent fragiles. La thèse, néanmoins, stimule aussi bien l’esprit critique que l’optimisme.