Guide-interprète vivant en Gaspésie et auteure en 2018 d’un recueil de nouvelles, Line Richard a reçu le prix Robert-Cliche 2023 du premier roman pour La rumeur du ressac.
Sans suspense ni coup de force narratif, le récit raconte tout uniment la vie d’un père, Martin Lacroix, 34 ans, et de sa fille, Léa-Marine, 11 ans, qui ne peuvent oublier la mort de Suzanne, leur épouse et mère, ex-chanteuse dans les bars et les festivals. Mal dans sa peau, vivant avec la peur d’être abandonnée et sous antidépresseurs, Suzanne s’est suicidée par ingestion de pilules.
En juillet 2010, quelque temps après ce tragique décès, Martin et Léa se rendent en Colombie-Britannique pour « guérir [leur] peine » et déposer les cendres de la défunte près d’une source où le couple avait déjà vécu des instants de bonheur. Six ans plus tard, Martin s’est acheté un dépanneur à Saint-André-sur-Mer, un village fictif du Bas-Saint-Laurent, le long du fleuve, et Léa travaille comme serveuse dans un casse-croûte de l’endroit. Les activités de l’un et de l’autre se suivent, se croisent et s’entremêlent dans une relation somme toute harmonieuse, ponctuée parfois d’échanges difficiles. Autour d’eux circulent plusieurs personnages, dont la co-écolière de la jeune fille, Gitane Chabot, avec son imprévisible et tortueux compagnon, Sam, jeune magouilleur de 18 ans qui regrettera, en remboursant sa victime, d’avoir volé et utilisé la carte bancaire de Léa. Tandis que Martin reçoit la visite de la photographe française Nadine, rencontrée autrefois au cégep, Léa fugue durant trois jours avec des amis, faisant du camping au parc national du Bic, puis à Percé. En fin de parcours, Martin accompagnera Nadine, dont il est épris, pour un reportage à Compostelle et Léa retournera pour trois mois en Colombie-Britannique comme « monitrice dans une classe de français, à Queen Charlotte City », où elle a connu l’accueillante famille de Paul, un ami de son père.
La rumeur du ressac se compose de nombreux chapitulets aux phrases brèves, où le français standard le dispute au langage populaire québécois. Le roman abonde tout particulièrement en détails de tous ordres, rappelant le mode du « petit fait vrai » cher à Stendhal. Il décrit systématiquement, en effet, les lieux, les personnages et les événements du quotidien avec une minutie et un sens de l’observation qui donnent à voir l’action et les états d’âme des protagonistes.
Comme le dit à juste titre l’éditeur, La rumeur du ressac est un « roman du deuil et du souvenir », où le personnage de Suzanne est omniprésent, tel un ressac, malgré son absence physique. Il n’y a rien là de transcendant en soi, mais voilà un court récit tranquille, sans misérabilisme, dont la réussite narrative emporte en douceur l’adhésion du lecteur.