Pensée puissante, stimulante, articulée que celle-là. Pensée qui ne sous-estime pas les obstacles, mais qui ne les craint pas non plus. Daniel Jacques ne se laisse aveugler ni par les ornières ni par les mirages. Il estime que la révolution technique bénéficie d’une connivence entre la créativité scientifique et l’appréciation populaire, il refuse de confier au déferlement irrésistible de cette nouvelle culture le soin de définir à elle seule l’homme et l’humanisme. Ne l’imaginons surtout pas fermé à quoi que ce soit : il ne s’agit pas de ralentir la poussée de la science et de ses recherches, mais d’y insérer un « surplus d’esprit ». Superbe et exigeant équilibre entre science et sagesse, effort pour inventer un lieu où sciences, arts et morale puissent remodeler leurs relations.
S’il est un ancrage grâce auquel l’humanisme peut oser la plus aventureuse exploration sans abandonner l’essentiel, c’est dans la compassion que Daniel Jacques le situe. Elle assimile, en effet, les terribles leçons de l’humanisme noir que nous lègue un XXe siècle traversé par les totalitarismes et fait pression sur le monde du quantitatif pour qu’il se reconnaisse aveugle et démuni devant certaines évidences indispensables.
L’essentiel du message est confiant et exigeant, généreux sans naïveté. Il rattache l’une à l’autre les étapes de l’aventure humaine et parie sur la persistance en l’homme de propensions à la justice, au partage, au bonheur. Certains verdicts tombent, il est vrai, de façon péremptoire. Ainsi, la logique de la mondialisation favoriserait la distribution la plus large, ce que ne démontre certes pas, du moins pas encore, l’industrie pharmaceutique. On ne s’offusquera pas de tel ou tel raccourci : de son propre aveu, Daniel Jacques aime l’expression polémique. Cela ne fait qu’ajouter au plaisir et au profit de sa lecture.