D’abord thèse de doctorat (en 1980), l’essai d’Annette Hayward sur le conflit en titre atteint bellement ses objectifs : « offrir au public une étude en profondeur » de cette querelle « à partir d’un examen fouillé des sources primaires », de façon à « montre[r] toutes les ramifications et composantes » du débat et à « les situe[r] dans le contexte global du Québec d’alors ».
Tout commence en 1904, à Montréal d’abord, avec la publication de la « Préface » de Louis Dantin aux poésies d’Émile Nelligan, et à Québec ensuite, surtout, avec le célèbre discours sur « La Nationalisation de la littérature canadienne » de l’abbé (et futur monseigneur) Camille Roy. Bien que « l’esprit » de ces « deux textes fondateurs […] diffère énormément », les « deux critiques se rejoignent sur la nécessité de l’emploi du sujet canadien et sur le danger d’une imitation servile des maîtres européens ». Ceux qui refusent l’utilisation exclusive de la matière canadienne, et particulièrement celle du terroir, sont bientôt qualifiés (péjorativement) d’« exotiques », d’universalistes, d’étrangers, et l’on pourrait ajouter de « Parisianistes ». Pour ces derniers, la forme littéraire, et notamment l’emploi du français hexagonal par rapport au parler canadien, priment le contenu. La querelle atteint son paroxysme en 1918-1920, avec le combat mené à la revue Le Nigog par le trio « exotique » Fernand Préfontaine, Léo-Pol Morin et Robert de Roquebrune, et relancé notamment par le coloré et virulent Victor Barbeau, futur auteur des Cahiers de Turc. Puis, « vers 1930 […] les différentes doctrines littéraires qui se formulaient au Québec […] ont sonné le glas de la querelle ».
Annette Hayward divise le conflit en « quatre étapes distinctes » et en suit l’évolution en examinant à la loupe les activités d’associations telles l’École littéraire de Montréal, la Société du Parler français et l’Action française, et en épluchant littéralement les journaux et revues de l’époque, qu’elle cite abondamment autant dans le corps de son texte qu’au cours de ses 2001 notes infrapaginales : Le Parler français, Les Débats, Le Nationaliste, L’Action, La Revue moderne, Le Terroir… Les hérauts de l’un et l’autre camp défilent sous le regard méticuleux, nuancé et prudent de l’essayiste : ce sont les régionalistes Adjutor Rivard, Damase Potvin, Léo-Paul Desrosiers, Claude-Henri Grignon, Harry Bernard…, et ils affrontent les « exotiques » Olivar Asselin, Jules Fournier, Marcel Dugas, Guy Delahaye et autres René Chopin. Dans cette lice idéologique Blanche Lamontagne et Paul Morin font figure de champions représentant « deux conceptions opposées de l’avenir de la nation canadienne-française et de sa littérature ».
Seule la « Bibliographie » suscite quelques interrogations. Pourquoi, par exemple, inclure les cinq premiers tomes de la collection « Archives des lettres canadiennes » et laisser de côté le septième, un collectif tout entier consacré au Nigog ? Et pourquoi ne pas signaler la réédition à l’identique, en 1998, de cette incontournable revue ? Mais ne chicanons pas trop sur ces absences – il y en a d’autres – et considérons plutôt l’ensemble de ce magnifique essai : c’est d’ores et déjà une date dans l’étude de la littérature québécoise.