Frédéric Sauvage, le narrateur, écrivain de romans d’amour, s’avoue insatisfait. Sa vie lui paraît morne, si éloignée de celle excitante qu’il imagine pour ses personnages de roman.
Il est dans cet état d’esprit lorsqu’il se présente à la réception d’un hôtel bordelais en même temps qu’une jeune femme, dénommée Alice Sauvage. Le réceptionniste qui reconnaît l’écrivain les salue, présumant que la femme est sa conjointe, et remet la clé de la chambre. Ni l’un ni l’autre, quoique parfaits inconnus, ne proteste. Frédéric et Alice montent à la chambre.
Si l’on s’imagine que des ébats torrides s’ensuivent, c’est mal connaître la recherche incessante d’un romantisme exacerbé de la part de l’auteur caché derrière le narrateur qui, lui, est fasciné par cette femme dont l’« affinité avec l’absolu se respirait ». Le procédé de mise en abyme est au cœur du roman. Frédéric Sauvage évoque des personnages de ses romans, les mêmes que ceux d’Alexandre Jardin. Le narrateur s’avère le double de l’auteur. Quant à Alice, elle critique les romans de Frédéric-Alexandre, mais surtout elle reproche au romancier de se contenter d’imaginer la passion chez ses personnages alors qu’il lui paraît incapable de la vivre dans la réalité. Le thème cher à Jardin quoi, la recherche de la passion amoureuse à l’épreuve du temps.
Alice mène le bal, d’abord avec ses « rituels de l’attente, […] préliminaires de l’imagination ». Puis, de nouvelles règles : basta les mots et comportements qui font appel à la modération, aux précautions et aux limitations et refus absolu du compromis et de la mesure. Que de l’absolu. Frédéric s’y soumet volontiers. Il n’écrit plus de romans, il vit un roman. « Avec Alice, je voyais le ciel en regardant son cul. »
Histoire farfelue qui se déménagera dans l’île des Gauchers où le temps est aboli et les jours vécus bien autrement que dans les existences droitières, comme le narrateur qualifie la vie en Occident. Le style, fougueux, logorrhéique, et un vocabulaire fourni épousent la cascade d’événements extravagants.
En poursuivant la lecture de ce roman, on ne peut s’empêcher de penser que pareille histoire de passion romantico-érotique qui se veut pérenne est un fantasme d’adolescent, incompatible avec la vie réelle. Aussi le romancier n’a-t-il que peu de choix pour conclure son histoire sans trop trahir son rêve de passion d’amour éternelle. La mort… Souvenons-nous de Tristan et Yseut, de Roméo et Juliette, que par ailleurs on ne saurait réduire à La plus-que-vraie.