Avec vigueur et pertinence, l’auteure et son préfacier profitent de ce livre pour dénoncer la complaisante amnésie que pratique le Canada dès qu’on évoque l’esclavage. Comme si jamais cette honte ne nous avait atteints. Même si Marcel Trudel a secoué notre bonne conscience dès 1960 avec l’Esclavage au Canada français,en y ajoutant un Dictionnaire des esclaves et de leurs propriétaires, rares sont les Québécois au courant de notre passé esclavagiste. Afua Cooper, biographe de l’incendiaire Marie-Joseph-Angélique et historienne intéressée au sort des esclaves au Canada, ne pouvait donc nous convaincre à moins de présenter une impeccable reconstitution de cette vie et de cette exécution. Mission accomplie.
Visiblement, l’esclave Marie-Joseph-Angélique a vécu la même chose que les centaines de milliers de Noirs et d’Amérindiens arrachés à leur culture, privés de liberté, vendus comme du bétail. Le Canada français, où elle aboutit sans l’avoir voulu, n’entretenait pas plus de scrupules que ses contemporains à l’égard de cet asservissement. Deux différences seulement, qui ne portent d’ailleurs pas sur les principes en cause : d’une part, le Canada français prélevait ses esclaves surtout chez les Amérindiens (environ 2000 sur 4000) ; d’autre part, si les esclaves sont moins nombreux au Canada français, ce n’est pas que les mSurs y soient plus douces, mais que le commerce des fourrures exige moins de main-d’œuvre que la culture du coton. Le mérite d’Afua Cooper est de donner une voix à l’esclave que sa révolte conduit à l’incendie criminel, tout en décrivant l’implication du Canada français dans l’esclavage. Comme l’incendie a détruit une cinquantaine d’édifices, y compris l’Hôtel-Dieu, on imagine dans quel climat s’est déroulé le procès.
L’auteure dramatise quelque peu les témoignages rendus lors du double procès qui a conduit à la condamnation et à l’exécution de la jeune incendiaire et on ne lui en voudra pas. En revanche, la traduction laisse à désirer. Parler « de gens dont le seul but est de la déclarée incendiaire » manque d’élégance. Surtout quand on affuble d’un sic chaque citation du journal Quebec Gazette/Gazette de Quebec.