Andrée Ferretti (née Andrée Bertrand), la notoire pasionaria de la cause indépendantiste, s’active toujours sur plusieurs fronts. La passion de l’engagement collige des textes et des discours jalonnant ses années d’implication politique, des premiers temps du Rassemblement pour l’indépendance nationale, jusqu’à l’hommage à son collègue riniste André d’Allemagne, décédé en 2001. Dans l’intervalle, lendemains référendaires, polémique débattant des premières nations comme peuples fondateurs du Canada, qui défraya la chronique dans Le Devoir en 1991, militantisme féministe. Texte choc, « Égales, certes, mais à des hommes libres » appelle en 1978 les femmes au militantisme : « Non, mesdames, nous ne serons jamais libres dans une société qui vit dans un état de dépendance généralisée. Nous devons, c’est certain, mener sans relâche, nos luttes spécifiques. [ ] Nous devons toutefois les inscrire dans un combat plus radical qui se situe dans la perspective de l’abolition de l’oppression nationale et de l’exploitation capitaliste ».
Avec le temps, le style et la pensée se transforment, mais la ferveur ne semble jamais s’éteindre. Elle ne descend pas de ses grands chevaux de bataille : il faut sortir de l’aliénation, de la peur, s’assumer. Intègre, indépendante face aux lignes de parti et aux leaders, elle conserve son enthousiasme et sa loyauté envers ses « camarades » de travail. Radicale, elle insiste pour considérer le politique de façon historique ; cette obstination, tout à son honneur, provoque ses interlocuteurs et prend les lecteurs à partie. C’est le ressort de sa force, de sa mémoire, mais aussi ce qui la fixe dans un type de pensée : pour ne pas perdre de vue le rêve d’un pays souverain, elle doit résolument rester arrimée à une conception occidentale de la nation, et de fait à une histoire. Or, dans un contexte de mondialisation, « l’histoire » est confrontée à plusieurs propositions qui la remettent en question, notamment de nature anthropologique, car l’histoire du Québec se juxtapose à d’autres réalités, d’autres histoires. Chez ceux qui s’interrogent sur les modalités de l’existence d’une nation au temps de la mondialisation, cette série de textes témoins de la vie politique au Québec stimulera la réflexion comme on remue la terre pour favoriser l’éclosion de la vie.