Revenant sur la guerre de 1939-1945, ce roman insiste sur les horreurs quotidiennes qu’oublient ou occultent les médias. Paule Noyart y investit une impeccable recherche et une vision qui va de l’enracinement belge à l’ample certitude que la guerre broie tout le monde, vainqueurs compris.
La famille qui remplit ce récit appartient biens et âmes à une Belgique stratifiée. L’industrie y prospère au prix d’inégalités sociales têtues ; Verhaeren chante « Le vent », mais aussi la dureté des ports. Le fils de l’industriel y engrosse l’ouvrière et, jetant une obole, oublie la mère et le rejeton. La mère, diva frustrée, parque sa fille dans un pensionnat prodigue des savoirs sociaux qui ouvrent au mariage cossu. Paule Noyart connaît ceux qui vont résister à l’Occupation allemande.
La résistance belge en devient intelligible. Des compromissions s’offrent ; beaucoup les évitent. L’une sauve des Juifs, l’autre accueille deux soldats allemands dont l’homosexualité explique la désertion. Tout se crispe quand frappe la contre-offensive allemande des Ardennes (décembre 1944). Quand, en plus de percer le front allié, les Allemands recourent à des agents infiltrés, on ne sait plus qui est qui : « Malheur à qui ne peut pas donner le nom de la capitale du Kansas, celui du dernier mari de Mae West ou le total des coups de circuit de Babe Ruth ». Le Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale (Larousse, 1979) impute l’astuce à « la 150e brigade de Skorzeny, constituée par quelques centaines d’aventuriers […]. Leur entraînement avait porté surtout sur la façon d’ouvrir un paquet de Camel, de siffler au lieu d’applaudir, de conduire une jeep avec désinvolture… » Le roman use de ce vécu.
Chez Paule Noyart, l’humanité l’emporte sur la cruauté. Non que manquent les tortionnaires, mais la compassion survit chez les résistants comme chez tel Allemand. Quand Delphine fait face au colonel Schröder, elle croit triompher : « Vous n’avez pas de réponse, n’est-ce pas ? » À quoi répond le vieux soldat : « Si. Hier, j’ai appris que ma femme et mes petites filles sont mortes, à Postdam, sous les décombres de notre maison ». Delphine pleure encore, mais avec lui : « Moi j’ai mes enfants, mon père, ceux que j’aime, Charles… Lui n’a plus rien ».
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