Quelques années auront suffi pour qu’un auteur au talent indiscutable épanouisse pleinement ses possibilités. Le très substantiel bouquin consacré à La nébuleuse iNSIEME fait plus que tenir les promesses du premier ouvrage de Michel Jobin.Chez lui, le côté affairiste et intégralement amoral des financiers à la Norbourg est particulièrement mis en lumière. Seul le maillage des informations policières fait espérer une réplique efficace. Dès l’instant, en effet, où les taciturnes et méfiants corps policiers font confiance à leurs semblables, les truands perdent une part de leur immunité. Londres entreverra la manipulation des partis politiques si ses policiers apprennent que la Thaïlande déplore également un meurtre maquillé en mésaventure sexuelle. Au Canada aussi, dès que s’estompent les susceptibilités policières, la riposte s’articule. Élémentaire, mon cher Watson ? En effet. Jobin a raison d’attendre beaucoup de la coordination policière, mais les policiers ne sont pas encore génétiquement portés à faire confiance aux policiers.
Avec compétence et mordant, Jobin analyse la propension des conglomérats au raccourci immédiatement rentable. Quand les capitaux surabondent, la tentation est forte, explique-t-il, d’acheter les entreprises créatrices et de tout miser sur la distribution de produits avant-gardistes. Pendant un temps, il est d’ailleurs possible de se dispenser de recherche fondamentale, d’espionner, de pirater, de cannibaliser autrui. Le jour vient, toutefois, où le vampirisme marchand ne parvient plus à satelliser le génie des autres. Le crime devient alors, sous toutes ses formes, la seule façon de réinjecter dans la nébuleuse les capitaux et les dividendes dont le marché entend se gaver. iNSIEME (ensemble en italien) s’effondre alors aussi rapidement qu’elle avait gravi les sommets.
Livre vivant, lucide, documenté. Si l’attente au sujet d’une certaine transparence policière laisse parfois sceptique, l’avertissement servi aux carriéristes ne manque pas de vigueur : à long terme, la recherche rapporte plus que la piraterie. Bien sûr, Jobin, comme il l’avait démontré dans son précédent roman, s’intéresse toujours à la formule 1.