Quiconque a déjà construit un ouvrage collectif en exigeant d’une demi-douzaine d’auteurs le strict respect d’une échéance rapprochée tombera à genoux devant cette performance : 90 textes (et presque autant d’auteurs) sollicités et livrés en deux ans. La réussite éblouit d’autant plus que certaines plumes, celles d’Edgar Morin et d’Umberto Eco par exemple, ne sont pas de celles qu’on mobilise et qu’on discipline aisément.
Le contenu (même si je ne me porte garant que des deux tiers de la somme) vaut plus encore que la logistique mise en œuvre. Le plan est net sans devenir asséchant : la première moitié des textes concerne les sociétés traditionnelles, la seconde, les sociétés modernes et postmodernes. Du coup, les différences se manifestent, mais aussi les dénominateurs communs. Ainsi, l’homme n’a guère cessé, depuis Gilgamesh, de se révolter contre la brièveté de son destin terrestre, mais il s’efforce davantage aujourd’hui de rejeter la mort hors du visible et du quotidien.
D’un siècle à l’autre, d’une culture à l’autre, l’attitude varie face à la mort. L’image qu’on se forme de l’au-delà se précise ou s’estompe. Les guerriers indiens se préparent à la mort du brave, tandis que la réincarnation intervient dans d’autres contextes pour désamorcer la peur. Le deuil est tantôt source d’effroi, tantôt un temps d’apaisement. Les jeux vidéo scénarisent la mort sans l’apprivoiser. L’immigrant voit venir la mort avec la crainte particulière d’une double aliénation. Autant d’angles, d’aspects, de coups de sonde qui puisent dans l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, la religion. On ne s’étonnera pas si tel spécialiste de l’alchimie ou des coutumes de la Chine antique s’abandonne à son jargon ésotérique ; cela démontre tout simplement la ferme intention des coordonnateurs de présenter un tableau complet et leur allergie à la censure. On n’en appréciera que davantage les textes lumineux de Roger-Pol Droit, de Michel Hulin, de Jean Delumeau ou de Georges Balandier. Incontournable référence.