Avec sa mère et sa sœur, l’auteur est parti de la Hongrie pour venir vivre au Québec alors qu’il n’avait que onze ans. On imagine comment sa vie a pu être bouleversée car, à cet âge, les copains, l’école et le milieu de vie comptent plus que tout.
Dans son livre précédent, Rhapsodie québécoise. Itinéraire d’un enfant de la loi 101 (2016), Akos Verboczy a raconté les circonstances, comiques il est vrai, expliquant leur arrivée au pays : sa mère, qui travaillait dans un salon de beauté, a découvert que l’on pouvait exiger ici vingt dollars pour l’épilation des deux jambes ! La belle affaire ! On part !
Avec la Maison de mon père, le romancier nous invite dans son pays d’origine, la Hongrie – communiste à l’époque –, et plus précisément dans la ville de Budapest. Le livre s’ouvre sur les funérailles de son père qu’il a, somme toute, peu connu, n’ayant pas vraiment vécu avec lui. N’empêche, sa présence fut marquante et c’est autour de lui, et d’une maison qu’il a possédée quelque temps, que Verboczy construira son récit.
Les premières années après son émigration, l’auteur retournait quasiment chaque année dans son pays natal pendant la période des vacances d’été. Il revoyait ses amis et passait du bon temps avec eux. C’était comme s’il n’était pas vraiment parti. Puis les années passent, les voyages se font plus rares (ils coûtent cher aussi) ; toutefois, quand il y va, il n’oublie jamais de rendre visite à son père, à sa famille et surtout à Petya, l’ami d’enfance qui fera figure de pilier. Au moment des funérailles de son père, douze ans se sont écoulés depuis la dernière visite de Verboczy à Budapest.
La maison de mon père est un voyage de déracinement culturel, d’histoires familiales, d’ancêtres juifs, de guerre, de démantèlement de l’Empire austro-hongrois, d’amitiés perdues ou conservées, d’anciennes amours, de nostalgie et même d’ostalgie (mélancolie ressentie par certains, mais pas par l’auteur, envers l’ancien monde de l’Est). Avec l’ami Petya, l’auteur projette de retrouver la maison de son père, dans un coin perdu non loin du lac Balaton, « une maison de vigneron construite au début du XIXe siècle et oubliée depuis des décennies sur les hauteurs d’un village reculé ». L’une des particularités de cette maison : être à moitié enfouie dans la colline, ce qui aidait à conserver le vin au frais. Ainsi pouvait-on accéder au grenier, pour ainsi dire, par le rez-de-chaussée. Mais cette maison existe-t‑elle encore ? Les deux amis finiront-ils par la retrouver ?
Jusqu’à un certain point, la démarche de Verboczy peut nous rappeler le parcours des saumons remontant à la source qui les a vus naître. Dans le cas de l’auteur, il s’agit plutôt de continuer à vivre en revisitant le passé. Nous l’accompagnons dans sa démarche en souriant, le cœur attendri. La maison du père peut bien sûr représenter une construction matérielle mais, à mon avis, elle est plus que ça. Elle symbolise la matrice de l’existence de l’auteur.