Deux vies parallèles et très semblables se font écho dans ce troisième roman de Marie-Sissi Labrèche. D’un côté, celle de « l’auteure », jeune écrivaine québécoise qui, pour survivre aux demandes affectives démesurées de sa mère phobique, a choisi de vivre en Suisse ; elle est en train d’écrire La lune dans un HLMpour « guérir ‘ses’ plaies psychiques et [ ] passer à autre chose ». D’autre part, celle de Léa, l’héroïne de ce troisième roman, que la folie de sa mère dévore elle aussi et empêche de devenir « la plus grande peintre que la terre ait jamais portée » afin de transformer « ses origines pathologiques ». Très construit, comme pour contrecarrer la désagrégation intérieure que subissent ces deux personnages, le roman est constitué d’une alternance de lettres et de chapitres. Les lettres sont rédigées au « je » par « l’auteure », à l’attention de sa mère. De passage au Québec pour collaborer avec une scénariste désireuse de porter à l’écran son précédent roman, La brèche,elle fait le bilan de leur relation pathogène et exprime son intention de stopper la lignée de femmes cannibales dont elle est issue : des mères que tout angoisse et qui survivent en phagocytant leur fille. Les chapitres de l’histoire de Léa et de sa mère, quant à eux, constituent le roman en cours de création. Ils portent les titres de toiles cubistes de Picasso, qui reflètent l’univers éclaté de Léa, en guerre permanente contre un système l’obligeant, depuis le décès de sa grand-mère, à materner sa mère aliénée. Cette structure binaire met en jeu l’autofiction dont le roman se réclame. « L’auteure », dans ses lettres, crée un subtil réseau d’échos par rapport aux chapitres concernant Léa. L’inversion des rôles mère-fille que subissent ces deux jeunes femmes induit par ailleurs des émotions et des sentiments violents, des comportements agressifs, une rage d’autonomie et une inextricable oscillation entre haine, inconditionnelle affection et culpabilité. La dimension psychologique du roman est donc chargée. Mais le style et le ton de Marie-Sissi Labrèche évitent de sombrer dans le pathos. Des figures attachantes, magnifiquement humaines, et un roman tonifiant !
LA LUNE DANS UN HLM
- Boréal,
- 2006,
- Montréal
250 pages
24,95 $
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