D’un corpus de « plusieurs milliers d’articles de journaux » consacrés à la réflexion sur la question linguistique au Québec entre 1874 et 1957, les compilateurs du premier volume de l’anthologie La langue au quotidien ont retenu « les textes les plus significatifs » , c’est-à-dire ceux qui présentent « une densité conceptuelle supérieure » et « une posture originale ou particulièrement bien exposée ».
À quelques exceptions près, les auteurs sélectionnés, presque tous masculins (69 sur 70), sont des personnalités connues venant d’horizons divers: membres du clergé (Louis-Adolphe Paquet, Camille Roy, Lionel Groulx…), journalistes (Henri Bourassa, Olivar Asselin, André Laurendeau…), écrivains (Louis Fréchette, Félix-Antoine Savard, Léo-Paul Desrosiers…), critiques (Louis Dantin, Albert Pelletier, Jean Béraud…), linguistes (Jean-Marie Laurence, René de Chantal, Louis-Alexandre Bélisle…) et professeurs (Michel Brunet, François Hertel, Léon Lorrain…). Les 118 textes ici republiés par ordre chronologique ont d’abord paru dans 23 périodiques différents, dont tout particulièrement Le Devoir, qui en a accueilli à lui seul 53, suivi du Droit d’Ottawa (11), de La Presse (9) et de L’Ordre (7). Parmi ces articles on trouve souvent des transcriptions de conférences, de discours, d’allocutions, d’entrevues, de causeries radiophoniques. On compte également des lettres ouvertes, des dialogues fictifs, des comptes rendus d’ouvrages récents, un poème, une lettre pontificale… Les auteurs y prennent position en faveur du français hexagonal (René Garneau, Lucien Parizeau, Berthelot Brunet…) ou du français canadien (Claude-Henri Grignon, Harry Bernard, Alfred Desrochers…), ou encore ils optent pour la formule mitoyenne d’un français régional choisi avec discernement (Pierre de Grandpré, Pierre Daviault, Jean Pellerin…).
Nombreux sont, bien sûr, les textes d’inspiration nationaliste, tout comme les références à la « race française », au « génie français » et à la « langue gardienne de la foi ». Les allusions au « French Canadian patois », au « Parisian French » et au « canadianisme intégral » sont également perceptibles dans des débats où l’on fait état des sociétés de bon parler français, des « ligues » patriotiques, des congrès de la langue française, des campagnes de refrancisation, de l’identité canadienne-française, du fameux Règlement XVII en Ontario, du soi-disant bilinguisme canadien, de l’unilinguisme montréalais, de la langue d’affichage, du complexe d’infériorité des Canadiens français… Chaque auteur est présenté dans une sélective mais judicieuse notice bio-bibliographique et le tout est précédé d’une introduction substantielle et documentée qui offre de pertinentes pistes de lecture.
Vivement le deuxième volume.