Il est des recueils qu’on lit avec un léger sourire aux lèvres, tout en se laissant toucher par les émotions qui y apparaissent, sans doute parce qu’ils respirent la vie.
Joanie Duguay nous propose un voyage dans sa vie. De Pointe-Alexandre, sur l’île de Lamèque – dans la Péninsule acadienne –, à Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), une ville industrielle que tout oppose au petit village où elle est née : « au loin j’vois la mer / les rochers / les montagnes / mais j’respire pas / l’air salin / de par chenous / en terre inconnue / chus pas accoutumée / à respirer la boucane / d’la Jifi à Irving ».
Entre les deux, des souvenirs qui prennent parfois la forme d’une anecdote, de réflexions sur son cheminement, de questions qu’elle s’est posées et parfois se pose toujours. Une quête de sens qui s’organise autour du besoin qu’elle éprouve de faire le point sur sa vie alors qu’elle a 30 ans, déterminée à s’affirmer depuis qu’elle est adolescente : « quand y aura du rouge / dans les caneçons des p’tites / on les mariera / pour continuer la lignée / à l’aube du millénaire / ce destin / ne sera pas / celui de mon sang ».
Divisé en sept parties, le recueil suit la chronologie de sa vie, tout en introduisant des éléments qui lui permettent de faire le lien avec ce qu’elle est aujourd’hui. Certains textes, a-t-elle dit lors du lancement, datent de son adolescence, revus et enrichis sans doute : « une auteure ça écrit / sa peur / sa joie / sa haine / composer / ça s’apprend / faut prendre son temps / faut être patiente » (p. 38). Elle a choisi d’utiliser la langue de chez elle, parsemant ses poèmes d’ellipses, d’acadianismes (vocabulaire et prononciation), ce qui leur donne une texture orale et nous invite à les lire à haute voix pour en saisir toutes les nuances.
Le titre du recueil donne une bonne idée de son contenu : jig est une danse traditionnelle, en acadien, tandis que carrousel fait référence à un manège : « quand t’es petite / tu peux prendre une drive / dans l’carrousel / tu choisis ton cheval / mais pas la destination ». Tout le recueil s’oriente autour de la destination : « mais tôt ou tard tu grandis / pis tu changes la cassette / tu décides enfin / où / pis quand / tu débarques » (p. 117). La page couverture est une photographie prise par sa mère en 1994. Joanie, qui a 7 ans, est sur un cheval du carrousel en compagnie de sa sœur. Joanie est en noir et blanc, sa sœur en couleurs…
La saveur du recueil tient à la langue de Duguay, à la façon dont celle-ci raconte en toute simplicité le chemin qu’elle a parcouru : « ben installée à Saint-Jean / su’ ce territoire su’ cette terre / qui m’appartient pas / mes racines sont ok / j’arrive à vouère / les étouèles filantes / à travers la brume / j’remplis de coquillages / ma valise vintage ».