Pour qui s’interroge sur ce que signifie aujourd’hui penser et agir vraiment à gauche, ce court essai a le mérite d’aborder une difficulté incontournable qui, pour être surmontée, ne doit craindre ni l’éclatement de profonds différends, ni l’affrontement des idées au sein de débats passionnés. Pierre Mouterde le souligne: « […] toute la question est là […] penser une utopie qui soit en même temps stratégique, c’est-à-dire qui se donne les moyens pratiques de réaliser ses rêves et ses aspirations ».
Partant de la description de la logique sociale du capitalisme, de ses mécanismes économiques et de l’illustration de ses effets pervers lors de la plus récente crise financière, l’auteur entame le procès d’un système « inégalitaire, anarchique et mortifère » dans la perspective « d’en finir avec lui ». Il s’agit donc de comprendre ce qui doit être dépassé, de définir la teneur du combat politique qui en découle et d’identifier la médiation susceptible de s’engager dans cette voie.
Mais d’abord, un constat réaliste: sur le plan des luttes sociales et de l’affirmation des diverses alternatives à la logique du Capital, nous sommes passés depuis plus de deux décennies d’un « mouvement ascendant de contre-hégémonie » sur la scène internationale à une « relance capitaliste d’envergure » qui se combine à une « crise d’orientation sociopolitique ». Ainsi, pour aborder les « conditions pour un changement » et penser l’instrument politique pour y travailler, il est important selon l’auteur de renouer avec la mémoire de luttes durement menées et de tracer de nouveaux bilans, actualisés à la lumière d’un projet émancipateur redéfini, nourri de nouvelles expériences et sensibilités politiques.
Les axes de ce renouvellement devraient se reconnaître dans « l’exigence démocratique » sans concession; dans la rupture vis-à-vis non seulement des politiques néolibérales, mais aussi du capitalisme et du « mode civilisationnel » de la marchandisation du monde ; et enfin, dans une « action sociopolitique unificatrice » pour contrecarrer le pouvoir des possédants et penser la dimension stratégique de la consolidation d’un contre-pouvoir. C’est ce dernier rôle que devrait assumer cet instrument politique essentiel, « l’organisateur collectif pluriel », prenant en charge rassemblement et coordination des mouvements et énergies individuelles dans une perspective de lutte commune.
La question de l’alternative dans le paysage politique québécois est enfin abordée alors que l’auteur introduit une discussion sur les faiblesses et les inconséquences de la mouvance anarchiste. Mais c’est dans la toute jeune expérience de Québec solidaire qu’il croit repérer certaines potentialités et place des espoirs. Mais là encore, l’écueil demeure, des choix difficiles devront être faits, posant la question des ruptures sur divers plans et celle des médiations nécessaires à élaborer en lien avec une orientation stratégique conséquente.