Ce nouveau recueil de Vincent Lambert fait partie de ces livres denses et elliptiques qui gagnent à être lus plusieurs fois. Les pages s’éclaircissent alors, sans toutefois s’offrir entièrement, ouvrant sur une sorte d’aube encore encombrée par la nuit. Un paysage de plantes, d’arbres, de pluie, peuplé de miroirs.
Le titre très attrayant de ce recueil, La fin des temps par un témoin oculaire, rappelle La fin du monde par un témoin oculaire, celui d’un livre de Pierre-Paul Paradis, publié en 1895. Comme si Vincent Lambert cherchait déjà à signifier, avant même l’entrée en matière, plus que ses influences, sa qualité de suivant, de double presque, le fait que nous fassions tous partie d’une infinité de reflets. Qui reflètent quoi, au juste ?
Cette poésie est une méditation patiente sur l’illusion du monde et des pensées : « Le monde est aussi mince qu’une vitre ! », écrit l’auteur, pour qui même les humeurs sont des saisons, passent, reviennent, comme une vision qui lui serait tout à fait extérieure. « Maintenant / regarde dans la direction d’où vient / ton regard. / Et soudain cette maison est la tienne – plus maintenant. / Deux pensées imprévues se rencontrent / et tu sors. »
On creuse l’interstice, entre « remuer ne pas remuer / attendre ne pas attendre ». Quelque chose, plus qu’un son, s’entend dans ce qui est tu, se voit dans ce qui est caché. Là, dans le paradoxe, il est possible de sentir le mouvement du « rouage universel », lieu des concordances. Cette poésie réduite à sa plus simple expression fait aussi émerger avec une belle justesse les jointures quasi surnaturelles entre les petites choses du monde, soi y compris.
Suivant sans doute cette logique où l’origine serait à l’opposé du regard, où ce qui se dit serait un faux reflet, le poète n’a pas cru bon de mettre en évidence dans le corps du texte les multiples emprunts à Saint-Denys Garneau, Valéry et d’autres – évoqués de façon assez floue à la fin du volume. Pour ma part, n’étant pas une exégète de ces auteurs, j’aurais bien aimé départager ce qui vient de l’un et de l’autre. Mais bon, je parle de ce côté-ci du monde.